La nouvelle loi américaine pour harmoniser le développement de la télémédecine: une initiative dont pourrait s'inspirer le nouveau parlement français

En cette période de renouveau de la classe politique française, on peut se prendre à réver d'un nouvel élan pour développer davantage la télémédecine et la santé connectée en France. L'initiative que vient de prendre le Sénat américain avec le "CONNECT (Creating Opportunities Now for Necessary and Effective Care Techchnologies)  Health Act for 2017" (1) pourrait servir d'exemple à la nouvelle équipe dirigeante et au nouveau Parlement qui s'occuperont de la santé des français.

Nous annonçions cette initiative du Congrès américain dans un billet précédant relatant les difficultés d'hamonisation des pratiques professionnelles, des règles juridiques et des tarifs de remboursement entre les 48 Etats américains qui avaient développé un programme de télémédecine et de santé connectée dans le domaine des maladies cardio-vasculaires, notamment de l'AVC (voir le billet intitulé "Télémédecine (16)" dans la rubrique "Revue des Publications").

C'est à l'initiative de 6 sénateurs, originaires des 6 Etats américains les plus avancés dans ce domaine, que la télémédecine et la santé connectée ont été introduites dans la loi de Sécurité sociale américaine 2017, afin d'harmoniser les pratiques professionnelles de télémédecine entre les Etats et de lever les principaux obstacles juridiques et financiers rencontrés et dénoncés par la cinquantaine d'organisations, d'associations et d'universités américaines parmi les plus influentes dans le champ de la santé connectée et de la télémédecine :

1.The App Association 2. Alliance for Connected Care 3. Alliance for Home Dialysis 4. American Academy of Neurology 5. American Academy of Sleep Medicine 6. American College of Preventive Medicine 7. American Heart Association 8. AMGA 9. American Medical Association 10. American Nurses Association 11. American Occupational Therapy Association 12. American Osteopathic Association 13. American Physical Therapy Association 14. American Psychiatric Association 15. American Society of Nephrology  16. American Speech-Language-Hearing Association (ASHA) 17. American Telemedicine Association  18. Association for Behavioral Health and Wellness 19. Association for Community Affiliated Plans 20. Baxter 21. Biocom 22. CareSync 23. Cerner 24. Children’s Health Fund 25. CHRISTUS Health 26. College of Healthcare Information Management Executives (CHIME) 27. Connected Health Initiative 28. Dogtown Media 29. EPIC Systems 30. Federation of American Hospitals 31. Federation of State Medical Boards (FSMB) 32. Hawaii Medical Service Association 33. Healthcare Leadership Council  34. Healthcare Information and Management Systems Society (HIMSS) 35. Intel 36. Lanai Community Health Center 37. LifeWIRE 38. Medical University of South Carolina – Center for Telehealth 39. MGMA 40. National Association of ACOs  41. National Association of Community Health Centers 42. National Association of Rural Health Clinics 43. National Coalition on Health Care 44. National Council of State Boards of Nursing  45. Personal Connected Health Alliance  46. Qualcomm Incorporated 47. Qualcomm Life 48. Renal Physicians Association 49. Society for Academic Emergency Medicine 50. University of Mississippi Medical Center - Center for Telehealth 51. University of Pittsburgh Medical Center  52. University of Virginia Karen S. Rheuban Center for Telehealth.

Ces amendements à la loi fédérale américaine de Sécurité sociale comprennent 14 articles qui visent à harmoniser les pratiques de télémédecine entre les Etats, en levant certains freins juridiques et financiers . Elle s'applique à compter du 1er janvier 2018. Nous citons les principaux articles.

L'article 2 vise à fournir aux organisations de soins responsables la possibilité d'étendre l'usage de la télémédecine.

Le financement des pratiques de télémédecine est élargi à toutes les structures relevant de la sécurité sociale américaine (Medicare). Une évaluation des fonctionnements et des résultats financiers sera présentée devant le congrès américain au plus tard le 1er janvier 2025. 

L'article 3 vise à augmenter l'accès à la dialyse à domicile grâce à la télémédecine chez les patients insuffisants rénaux. 

Pour améliorer cet accès, uen téléconsultation néphrologique sera prise en charge chaque mois pour les patients qui auront accepté cette nouvelle organisation des soins à domicile structurée par la télémédecine, contre une consultation en face à face chaque trimestre pour les patients dialysés qui ne seront pas traités à domicile.

L'article 4 vise à corriger l'inégalité d'accès à la thrombolyse à la phase aiguë de l'AVC

L'American Heart Association avait dénoncé une situation inégalitaire entre les Etats américains pour l'accès à la thrombolyse à la phase aiguë de l'AVC. Elle avait plaidé auprès du Congrès américain la levée de barrières financières et juridiques pour développer le téléAVC entre les Etats (voir sur ce site le billet intitulé "Télémédecine (16)" dans la rubrique "Revue des Publications").

L'article 5 favorise l'accès aux outils des services de la santé connectée lorsque le télémonitoring à distance des patients atteints de maladies chroniques apporte un bénéfice additionnel aux patients, notamment dans la réduction des coûts hospitaliers.

Dans le but de réduire les coûts liés aux hospitalisations et aux venues aux urgences, la loi recommande de développer le télémonitoring à distance chez les patients atteints de maladies chroniques quand un bénéfice additionnel est clairement démontré. Les outils nécessaires à la mise en place de ces nouvelles organisations de soins, en excluant les coûts de structures, sont pris en charge.

L'article 6 précise les personnes qui peuvent bénéficier d'une couverture sécurité sociale lorsqu'ils sont télésuivis à distance.

Il s'agit de personnes ayant au moins deux maladies chroniques ou plus. Il ne faut pas que la nouvelle organisation réduise la qualité de la prise en charge. Si elle augmente la qualité de cette prise en charge, elle ne doit pas augmenter les coûts. Celui qui fournit le service ne doit pas porter atteinte à la vie privé et à la sécurité des personnes.

L'article 7 précise que les dispensaires ruraux et les centres de santé qualifiés par le gouvernement fédéral peuvent développer des solutions de télémédecine.

Les Dispensaires ruraux et les Centres de santé fédéraux peuvent délivrer des soins structurés par la télémédecine à des personnes éligibles à ces soins.

L'article 8 autorise les Centres de santé des communautés indo-américaines et celles de Hawaii à bénéficier des remboursements de soins délivrés par télémédecine.

L'article 9 apporte des précisions sur les technologies numériques de télésurveillance dont peuvent bénéficier les personnes éligibles au remboursement par l'Assurance maladie.

L'article 12 autorise la généralisation de l'usage de la télémédecine à tous les services de la santé mentale

Un exemple qui devrait inspirer les nouveaux décideurs politiques français

Ce qui se passe aux Etats-Unis en matière d'aide au développement de la télémédecine et de la santé connectée, à partir du 1er janvier 2018, pourrait inspirer les nouveaux décideurs politiques qui vont prendre les commandes de l'Etat français dans les prochains jours et semaines. Que faut il retenir de la démarche américaine ?

Tout d'abord, la décision du Sénat américain de financer la télémédecine de façon uniforme, quelque soit l'Etat concerné, en levant les barrières juridiques. Les sénateurs américains sont aujourd'hui persuadés que cette médecine en ligne fait partie désormais de la médecine du XXIème siècle et qu'on ne reviendra pas en arrière.

Dans un pays qui a toujours eu le culte de l'évaluation scientifique et médico-économique, le choix politique est de faire l'évaluation de la télémédecine en 2025, au bout de 7 ans, ce qui est, de notre point de vue, un délai raisonnable pour évaluer l'impact de telles organisations innovantes sur le système de santé et ses coûts. Nous avons fait l'erreur en France et en Europe de vouloir  une telle évaluation au bout d'une année. Les résultats furent décevants. Nous avons souvent rapporté sur ce site les échecs de l'étude anglaise WSD et européenne Renewing Health. Les études médico-économiques réalisées en France depuis 2010 sont aussi décevantes et leurs résultats restent dans les tiroirs des ARS.

Fait également intéressant, la Sécurité sociale américaine cible son financement sur la télésurveillance des patients atteints d'au moins deux maladies chroniques et sur les téléconsultations en santé mentale ou dans les zones rurales isolées. Dans ce domaine, la puissance publique et la Sécurité sociale françaises suivent une démarche similaire en précisant le périmètre des prises en charge dans le programme ETAPES qui prend en compte dix millions de patients en ALD, notamment en EHPAD, pour les téléconsultations et téléexpertises, et quelques 3 millions de patients atteints de maladies chroniques sévères (insuffisance cardiaque chronique, insuffisance respiratoire assistée, insuffisance rénale en dialyse ou transplantée, diabète complexe insulinorequérant et troubles du rythme cardiaque surveillés par DPI) pour la télésurveillance à domicile.

Les Etats-Unis laissent aux assureurs privés le soin de financer les autres pratiques de télémédecine, demandées par une société de plus en plus exigeante sur l'immédiateté des réponses. C'est effectivement le modèle de l'ubérisation de la médecine à laquelle nous voudrions résister en France pour conserver les acquis des ordonnances de 1945. Il est peu probable d'y parvenir. Il faut par contre une négociation avec les complémentaires santé privées pour qu'elles assurent cette télémédecine d'éducation, de prévention, voire de confort dans laquelle elles ont commencé à s'engager.

Enfin, il faut retenir l'importance des organismes associatifs américains et des représentants des professions de santé  pour faire avancer les nouvelles pratiques numériques en matière de santé publique. C'est le rôle de la démocratie sanitaire qui prend de plus en plus d'essor en France et en Europe avec la forte implication des associations d'usagers et de patients, ainsi que celle des sociétés médicales savantes et des organismes représentatifs des professionnels de santé libéraux et salariés.

(1)https://www.cardin.senate.gov/imo/media/doc/1%20CONNECT%20for%20Health%20Act%20of%202017_FINAL.pdf

10 juin 2017

 

Commentaires

DOCSAB

16.05.2017 08:44

présents sur le terrain: privé ET public.

Pierre Simon

17.05.2017 06:09

Merci pour votre commentaire. Les Mutuelles peuvent jouer un rôle dans la prévention et l'éducation, les outils numériques qui peuvent y contribuer ne manquent pas. Cette ubérisation peut-être utile.

DOCSAB

16.05.2017 08:43

nouveaux modèles qui pourront être repris ensuite par le service public si ils ont fait leurs preuves ? C'est ma vision, certainement idéaliste, mais qui me semble possible si les PS de santé sont

DOCSAB

16.05.2017 08:41

Concernant les mutuelles, va-t'on obligatoirement vers l'ubérisation, ou ont-elles un rôle de pionnier, permettant d'ouvrir la voir plus rapidement, plus efficacement, pour confimer la légitimité de

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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