Plusieurs publications récentes font le point sur l'état des services de télémédecine aux USA et sur l'impact que pourrait avoir la récente loi "affordable care act" sur leur déploiement, notamment dans les structures de soins primaires. 

Dans le premier article (1), Weinstein RS et all dressent la situation en 2013 du développement de la télémédecine aux USA, avant la mise en application de la loi de santé d'Obama promulguée le 23 mars 2010. Les auteurs de l'article font l'hypothèse que cette loi va  élargir la pratique des soins de santé à distance. Ils intègrent dans leur analyse à la fois les services médicaux à distance (services de telemédicine) et les autres services de la santé en ligne comme le telenursing ou la telepharmacy, de même que le concept plus récent de la mobile health avec les nombreuses applications mobiles sur les smartphones et tablettes.

Le principal facteur de réussite d'un projet de service de télémédecine aux USA est l'existence préalable d'un business plan. Il doit garantir la pérennité du service. Son absence serait, selon les auteurs, un facteur quasi certain d'échec.

Ensuite, ce qui augmente la chance de réussite est le secteur ou s'applique le service de télémédecine : la téléradiologie est la première application de télémédecine, représentant plus de la moitié des services de télémédecine déployés aux USA. Ce service est notamment très développé dans les services d'urgences des hôpitaux ruraux. Viennent ensuite le télé-AVC, les services d'urgences et de réanimation pour la prise en charge des brulés et des traumatisés. Beaucoup de services d'urgences américains utilisent le service  de télémonitoring mis au point par la Société Philips aux Pays Bas. La télémédecine dans les prisons demeure un priorité. Puis viennent des applications plus directement médicales comme la télédermatologie, la télécardiologie, la télépsychiatrie,la télépédiatrie, la télépathologie, la télérhumatologie, etc.

Un des passages essentiel de cet article est la description des obstacles rencontrés à la poursuite du déploiement de la télémédecine, lesquels nécessiteraient, selon les auteurs, une intervention gouvernementale ou réglementaire. Ils identifient 3 barrières principales : le remboursement des services, l'attribution aux médecins d'une license d'exercice de la télémédecine et l'agrément des hôpitaux à pratiquer la télémédecine.

Plusieurs assureurs et autres tiers payants prennent en charge les services de télémédecine, notamment en téléradiologie. Pour les autres services, le remboursement est plus incertain et 20 Etats ont promulgué une loi obligeant les tiers payants à prendre en charge les services de télémédecine, autres que la téléradiologie. Les centres de Medicare et de Medicaid, jusqu'à présent, remboursent peu la télémédecine, en dehors de la téléradiologie et de la télépathologie.

Plusieurs Etats, dont la Californie et le Nouveau-Mexique attribuent aux médecins une license de télémédecine pour leur permettre d'être remboursés par les tiers payants, notamment les téléradiologues embauchés par les sociétés de services de téléradiologie.

Les hôpitaux qui pratiquent la télémédecine doivent recevoir un agrément de la Joint Commission on Accreditation of Healthcare Organizations. Ils sont encouragés à développer la télémédecine, notamment au niveau des hôpitaux ruraux. Dans certains Etats comme la Californie, la téléconsultation en zone rurale s'est considérablement développée depuis quelques années.

En matière de Mobile Health les auteurs estiment qu'en 2020, 25% des consultations médicales se feront par smartphone. En conclusion, l'article prédit que la santé mobile sera le secteur de la télémédecine qui va le plus se développer dans les prochaines années.

Dans le deuxième article (2), les auteurs dressent l'état de développement de la télémédecine dans les hôpitaux américains à partir de la base nationale HIMSS de 2013 (Healthcare Information and Management Systems Society). Les constats faits dans le précédent article sont confirmés. Dans 4727 hôpitaux américains nos spécialisés, le plus important service de télémédecine est la téléradiologie (15,7 %), suivi par les soins d'urgence/traumatologiques (7,5 %) et les services de télécardiologie (AVC/infarctus) (6,8 %). Fait intéressant, les hôpitaux spécialisés requis par les hôpitaux non spécialisés se sont réorganisés pour offrir les services de télémédecine. Toutefois, le développement reste lent à cause du remboursement de ces services, lequel n'est pas toujours assuré, à l'exception  de la téléradiologie.

Le troisième article (3) identifie les populations qui vont bénéficier de l'Obamacare. Ces populationsi pourraient voir leur accès aux soins amélioré grâce aux services de télémédecine. Ce sont 20 millions d'américains concernés par cette loi. Dans ces populations, les auteurs estiment que les services de télépsychiatrie seront très utiles, de même que les services de télémonitoring pour suivre à domicile les maladies chroniques et prévenir ainsi les hospitalisations ou les venues aux urgences. L'éditorial lance un appel à tous les médecins qui ont en charge ces populations pour qu'ils utilisent les avantages apportés par cette loi au développement de la télémédecine. Les auteurs estiment que la affordable care act est une chance pour tous les acteurs de la télémédecine, qu'ils soient industriels, assureurs, patients et médecins.

Commentaires Ces trois articles dressent un état des lieux, fin 2013, du développement de la télémédecine aux USA, notamment dans les hôpitaux non spécialisés. La loi "Obamacare" crée une opportunité de développement de ces services. Il est intéressant de constater que dans ce pays, cité souvent en Europe comme un exemple  de réussite en matière de développement de la télémédecine, les difficultés de prise en charge financière constituent un certain frein à ce développement, qu'il est fait appel à la réglementation au niveau de 20 Etats pour obliger les assureurs à rembourser ces prestations. Enfin, la loi de santé d'Obama est considérée comme une formidable chance de développement de ces services de télémédecine au sein de la population la plus défavorisée des USA.

(1) Weinstein RS, Lopez AM, Joseph BA, Erps KA, Holcomb M, Barker GP, Krupinski EA. Telemedicine, telehealth, and mobile health applications that work: opportunities and barriers. Am J Med. 2014 Mar;127(3):183-7. doi: 10.1016/j.amjmed.2013.09.032. Epub 2013 Oct 29. 

(2) Adler-Milstein J, Kvedar J, Bates DW. Telehealth among US hospitals: several factors, including state reimbursement and licensure policies, influence adoption. Health Aff (Millwood). 2014 Feb;33(2):207-15. doi: 10.1377/hlthaff.2013.1054 

(3) Merrell RC, Doarn CR. Affordable Care Act and telemedicine. Telemed J E Health. 2015 Apr;21(4):243-4. doi: 10.1089/tmj.2015.9995