Etat de développement de la télémédecine et de la santé connectée en France en 2019 (6/8)

Ce nouveau billet traitera de la téléophtalmologie et de la téléoncologie. Les médecins qui exercent ces deux spécialités médicales améliorent la prise en charge de leurs patients grâce à la télémédecine et la santé connectée.

La démarche diagnostique dans ces deux spécialités médicales repose pour une part sur une analyse d'images (fond d'oeil pour l'ophtalmologie, scanner et examens anatomopathologiques et hématologiques pour l'oncologie). Ces deux spécialités bénéficient déjà ou bénéficieront à court terme d'une aide au diagnostic apportée par les algorithmes de l'IA. Ces possibilités nouvelles d'aide au diagnostic et aux décisions thérapeutiques permettent de développer l'exercice médical à distance chez les populations isolées ou éloignées qui ne disposent pas de spécialistes à proximité de leur domicile. 

La téléophtalmologie

Nous avons déjà traité des progrès organisationnels dont bénéficie cette spécialité depuis quelques années (voir le billet "télémédecine (31) dans la rubrique "Revues et publications"), marqués notamment par la coopération avec les orthoptistes et la possibilité réglementaire d'ouvrir des cabinets secondaires (révision de l'article 85 du code de déontologie médicale). Grâce à cette collaboration interprofessionnelle, un médecin ophtalmologiste peut voir aujourd'hui le double de patients qu'il y a 10 ans.

Cela a contribué à réduire sensiblement le délai d'attente des patients pour obtenir une consultation présentielle, comme le révéla en 2018 un sondage CSA commandé par le SNOF (Syndicat National des Ophtalmologistes de France). Il persiste cependant de grandes disparités régionales, le délai d'attente étant trois fois plus élevé dans le Grand Ouest que dans la région parisienne.

Lors du 125ème congrès de la Société Française d'Ophtalmologie qui s'est tenu en février 2019, l'intérêt de la téléophtalmologie en EHPAD a été abordé. La collaboration avec les orthoptistes permettrait la mise en place d'un accès aux soins visuels chez les résidents de ces établissements dont l'âge moyen est de 85 ans et qui cumulent en moyenne 8 maladies chroniques avec de nombreux troubles visuels.

Alors que le remboursement du dépistage à distance de la rétinopathie diabétique par rétinographie réalisée par un orthoptiste est en place depuis 2014, c'est probablement l'usage de la téléconsultation et de la téléexpertise en ophtalmologie qui devient d'actualité et qui devrait se développer dans les prochains mois depuis que le remboursement de ces actes est devenu effectif (15 septembre 2018 pour la téléconsultation et 10 février 2019 pour la téléexpertise).

La téléconsultation en ophtalmologie

L'ophtalmologie fait partie des 5 spécialités médicales auxquelles tout assuré au régime général peut accéder directement sans passer par son médecin traitant. C'est ce qu'on appelle les situations autorisées du "hors parcours". Les ophtalmologistes développeront-ils des téléconsultations avec certains patients dans le cadre d'une surveillance à distance d'un problème visuel ? C'est une possibilité qui dépend du médecin spécialiste et de sa volonté ou non à utiliser la télémédecine dans certaines situations. Pour la réalisation pratique, l'ophtalmologiste peut se référer à l'avenant 6 de la convention médicale de 2016. (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/8/1/SSAS1821639A/jo/texte).

Les orthoptistes pourront développer des soins à distance dans le cadre du télésoin, acte à distance des professionnels non-médicaux créé par la loi Masanté2022 et dont la discussion au parlement est désormais terminée (voir le billet "Telesoin/TLM" dans la rubrique "Droit de la santé"). La loi devrait être promulguée au début juillet 2019.

Une téléconsultation ophtalmologique avec l'orthoptiste qui assiste le patient peut être envisagée, en particulier dans les EHPADs où les orthoptistes sont invités à se rendre pour réaliser des bilans visuels. Outre les EHPADs, les cabinets de télémédecine pour les patients se développent dans les zones en sous-densité médicale, en particulier dans les officines autorisées à organiser des téléconsultations demandées par les médecins (voir le billet TLC en pharmacie" dans la rubrique "le Pratico-pratique").

La téléexpertise en ophtalmologie

C'est probablement la téléexpertise qui pourrait devenir une pratique courante en ophtalmologie afin de réduire les consultations présentielles inutiles. C'est l'exemple du dépistage de la rétinopathie diabétique avec l'aide des orthoptistes. Cette pratique ressemble à la téléexpertise dermatologique. L'ophtalmologiste reçoit une image du fond d'oeil réalisée à distance par un ou une orthoptiste (bientôt un ou une infirmier(e). Il fait le diagnostic de la normalité ou de l'anormalité. Des plateformes de lecture sont développées, bientôt avec l'IA, ce qui permet aux ophtalmologistes de consacrer leur temps professionnel aux seuls patients qui ont des pathologies visuelles.

Lorsqu'une rétinopathie ou autre anomalie du fond d'oeil est dépistée, l'ophtalmologiste aura à coeur de voir le patient en consultation présentielle, du moins une première fois. Ensuite, un dialogue entre médecin traitant de soin primaire et médecin spécialiste sur la base d'une imagerie rétinienne refaite de manière itérative sur prescription ophtalmologiste par l'orthoptiste pourrait permettre d'éviter certaines consultations présentielles et ainsi de raccourcir les délais d'accès au médecin ophtalmologiste lorsque l'indication est pleinement justifiée. 

L'examen de la vision pour la prescription de lunettes est désormais confié aux orthoptistes (loi Masanté2022), ce qui contribue également à alléger la charge de travail du médecin ophtalmologiste.

La téléoncologie

Le lecteur pourra consulter le billet "Téléoncologie" dans la rubrique "le Pratico-pratique" où le sujet est déjà traité à partir d'une revue de la littérature internationale. Nous y avions abordé successivement la téléconsultation génétique, la télésurveillance des chimiothérapies au domicile, l'usage des outils de la santé mobile dans la prévention et la surveillance des cancers en rémission et la télépathologie pour le diagnostic à distance des cancers, notamment des extemporanés au cours d'une chirurgie, grâce au traitement algorithmique de l'IA. 

Nous voudrions aborder dans ce billet ce que la pratique de la téléconsultation et surtout de la téléexpertise oncologique pourrait apporter à une spécialité qui est grande difficulté d'exercice due au nombre insuffisant de médecins oncologues eu égard au développement du cancer lié à l'allongement de l'espérance de vie et des facteurs environnementaux qui en favorisent la survenue (pollution, pesticides, etc.).

La téléconsultation oncologique

Dans les années 90, les oncologues réalisaient beaucoup de consultations avancées dans les hôpitaux périphériques, en particulier pour suivre des patients en rémission de leur cancer ou traités par une chimiothérapie réalisée en hôpital de jour dans l'établissement périphérique, sur prescription de l'oncologue. Aujourd'hui, il est possible de remplacer une partie de ces consultations avancées par des téléconsultations programmées. Il faut souhaiter que les projets médicaux de territoire des GHT intègrent ces nouvelles possibilités organisationnelles qui permettent à cette spécialité en situation de pénurie de mieux gérer son temps d'exercice.

S'agissant de patients vus en consultations externes à la demande du médecin traitant, elles peuvent bénéficier du remboursement prévu par l'avenant 6 de la convention médicale de 2016. Ce sont des recettes pour les établissements supports qui disposent de médecins oncologues.

Les téléconsultations spécialisées en oncologie peuvent également être réalisées en officine à la demande du médecin traitant, le patient étant assisté par le pharmacien d'officine, voire du médecin traitant (double visio). Ces téléconsultations peuvent être justifiées dans le cadre des chimiothérapies au domicile, lorsqu'un intolérance médicamenteuse apparaît.

La possibilité prochaine de développer le télésoin en oncologie avec des infirmier(e)s formé(e)s devrait apporter une aide à cette spécialité fortement sollicitée. La loi Masanté2022 en fait une priorité et un premier décret d'application devrait concerner l'exercice du télésoin en oncologie.

La téléexpertise oncologique

Le médecin oncologue participe aux réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) en cancérologie depuis la mise en place des plans Cancer. La télémédecine lui permet d'exercer cette expertise à distance, en particulier lorsque l'expertise oncologique est régionale, interrégionale ou nationale. C'est également le cas pour la télépathologie. 

L'avenant 6 de la convention médicale permet au médecin traitant de solliciter auprès de l'oncologue correspondant, soit une téléexpertise simple dans le cadre la surveillance cancérologique simple s'appuyant sur les référentiels, soit une téléexpertise plus approfondie dans le cadre de la suspicion d'une évolution ou dans le cadre d'un bilan pré-chimiothérapie, lors de son initiation. La téléexpertise simple est rémunérée 15 euros et la téléexpertise approfondie, 20 euros. Cette téléexpertise "asynchrone" doit se faire par une messagerie santé sécurisée (MSS). Le lecteur peut se référer au texte de l'avenant publié au JO du 1er août 2018. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2018/8/1/SSAS1821639A/jo/texte

Le prochain billet traitera de la téléanesthésie et de la téléchirurgie

22 juin 2019

 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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