Quel est l'état de développement de la télémédecine et de la santé connectée en 2019 (8/8)

Nous terminons cette revue 2019 des applications de la télémédecine et de la santé connectée en France par la téléobstétrique réalisée par les sages-femmes et la téléondontologie réalisée par les chirurgiens-dentistes.

La télémédecine concerne tous les professionnels de santé médicaux, au sens du Code la santé publique, lesquels rassemblent les médecins, les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes. Les textes réglementaires de mise en oeuvre de la télémédecine (19 octobre 2010 et 13 septembre 2018) s'adressent à ces trois professions médicales, et pas seulement aux médecins.

Les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes peuvent réaliser des téléconsultations par videotransmission et des téléexpertises par MSSanté. Le remboursement de ces actes fait désormais partie du droit commun de la sécurité sociale. Les actes de téléconsultation et de téléexpertises réalisées par les sages-femmes et les chirurgiens-dentistes sont théoriquement éligibles à ces remboursements. On peut regretter que leurs représentants n'aient pas été associés aux négociations de l'avenant 6 car leurs pratiques s'inscrivent bien dans un parcours de soin. Nous allons voir dans quelles situations cliniques leurs pratiques de la télémédecine est une pratique "hors parcours" au sens de l'avenant 6 de la Convention médicale. La gynécologie obstétrique et l'odontologie font partie des 5 spécialités médicales dont l'accès ne nécessite pas une prescription préalable du médecin traitant.

La téléconsultation et la téléexpertise obstétricales

Les premières applications de la télémédecine en obstétrique remontent à la fin des années 90, en particulier dans le sud de la France lorsque les obstétriciens du CHU de Nîmes ont introduit la télésurveillance obstétricale des femmes enceintes vivant en Lozère afin de leur éviter des déplacements trop fréquents (voir le livre "Télémédecine, Enjeux et pratiques" dans la rubrique "Livres"). Il s'agissait déjà à cette époque d'améliorer l'accès au suivi des grossesses normales et de celles dites "à risque", en particulier lorsqu'elles de caractérisaient par une hypertension de grossesse, un diabète gestationnel ou un antécédent de prééclampsie lors de la 1ère grossesse.

Plutôt que de faire venir chaque semaine à l'hôpital une femme enceinte pour une surveillance systématique, des solutions d'automesure de la tension artérielle furent proposées, souvent associées à un télémonitoring foetal par cardiotocographie. En fait, toutes ces pratiques de la fin des années 90 et début 2000 ont été progressivement abandonnées par les équipes qui les avaient initiées, au motif que les femmes se plaignaient de ne plus voir la sage-femme ou le médecin obstétricien, ce qui augmentait leur état de stress.

A une période où les maternités de proximité ferment lorsque leur activité est jugée insuffisante par les autorités sanitaires, activité insuffisante qui pourrait mettre en péril certains accouchements, la téléconsultation obstétricale pourrait contribuer à ressusciter les organisations anciennes, en particulier dans les zones où l'accès à un suivi obstétrical devient difficile. 

Pour le suivi d'une grossesse normale, sans risque de nature obstétricale ou médicale, elle peut être assurée par la sage-femme. Il ne s'agit pas de substituer les 4 consultations présentielles qui sont nécessaires, mais d'utiliser la téléconsultation en complément de ce suivi présentiel, lorsque la parturiente a besoin d'être rassurée sur le bon déroulement de sa grossesse, en particulier lorsqu'il s'agit de la première à un âge avancé. Dans la société du XXIème siècle, le nombre de grossesses est limité et ces grossesses sont engagées plus tardivement qu'au XXème siècle. Ce sont des grossesses avec quasi-obligation de sécurité et de résultat.

Pour le suivi d'une grossesse "à risque obstétrical" ou pathologique (HTA, diabète, antécédents de prééclampsie ou d'éclampsie), c'est le médecin obstétricien qui a la responsabilité du suivi  de la grossesse. Il peut toutefois déléguer certains temps de suivi à la sage-femme, par exemple le suivi par téléconsultation en alternance avec les consultations présentielles.

Depuis 2002, dans le cadre du plan périnatalité, de nombreuses maisons périnatales ont été ouvertes en France. Elles ont pour vocation d'accompagner  les parents et le bébé avant et après la naissance, pour plus de sécurité. Elles devraient toutes être équipées de dispositif de télémédecine qui les mettraient en relation avec les services de maternité du territoire de santé. Le médecin obstétricien pourrait suivre à distance certaines grossesses avec l'aide de la sage-femme de la maison périnatale. Outre les téléconsultations de parturientes assistées de la sage-femme, ce dispositif permettrait également à la sage-femme de la maison périnatale de pratiquer la téléexpertise avec le médecin obstétricien de la maternité.

En résumé, il faut considérer l'usage de la télémédecine en obstétrique comme un moyen de renforcer la surveillance et la sécurité de certaines grossesses en alternance avec des consultations présentielles qui sont toujours nécessaires. A une période où les petites maternités sont fermées pour des raisons de sécurité, la téléconsultation par videotransmission et la téléexpertise par MSSanté, pratiquées par les sages-femmes de la maison périnatale, pourraient rassurer les populations.

La téléconsultation et la téléexpertise odontologiques

Suite à l'expérience e-dent (voir le billet intitulé "Télémédecine (20) dans la rubrique "Revue publications") la prise en charge odontologique dans les Ehpads et les prisons est devenue réalité.

C'est d'abord une téléexpertise qui repose sur le dépistage de pathologie dentaire par l'interprétation asynchrone d'une imagerie buccale. Celle-ci est transmise au chirurgien-dentiste qui a demandé à une infirmière formée de l'établissement ou à une infirmière de pratiques avancées d'odontologie de réaliser l'enregistrement de l'état de la cavité buccale grâce à une micro-caméra adaptée. L'étude e-dent a vérifié que cette technique d'évaluation de l'état-bucco-dentaire, en particulier pour le dépistage des caries, était aussi fiable que l'évaluation effectuée par le chirurgien-dentiste à son cabinet.

Le besoin d'une évaluation bucco-dentaire en Ehpad et en prison est essentiel. Cette évaluation est réglementairement obligatoire chez les prisonniers (décret de 2004). Elle est nécessaire chez la personne âgée résidente d'Ehpad, car un bon état dentaire contribue à une bonne nutrition. On connait l'impact en termes de morbidité et de mortalité d'une dénutrition sévère avec hypoalbuminémie chez la personne âgée. C'est un des facteurs de la chronicité des plaies qui tardent à cicatriser.

Comme pour tout projet de télémédecine qui vise à répondre à un besoin médical clairement identifié, la profession (odontologique) doit faire connaitre ces innovations technologiques et organisationnelles pour qu'elles puissent se développer. Le besoin est immense chez les résidents d'Ehpad, en particulier chez les personnes handicapées qui ne peuvent se déplacer.

La téléconsultation odontologique est couramment réalisée dans les pays comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande. Elle vise à améliorer l'accès aux soins dentaires des populations vivant dans les zones rurales. A notre connaissance, en France, la pratique de la téléconsultation odontologique en Ehpad et dans les prisons, au décours d'un bilan de dépistage de caries, n'est pas pratiquée. Elle n'est probablement pas nécessaire puisque le chirurgien-dentiste ne peut faire ses soins qu'en présentiel. 

Des téléconsultations odontologiques d'éducation à l'hygiène bucco-dentaire pour des personnes souffrant le plus souvent de parodontite, commence à être pratiquée par certains chirurgiens-dentistes français sur des plateformes nationales de téléconsultation.  

6 juillet 2019

 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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