Comprendre les textes juridiques qui favorisent la télémédecine et le télésoin pendant la pandémie au Covid 19

Dans une période aussi inédite que la pandémie au Covid 19, qui ébranle les systèmes de santé traditionnels de nombreux pays, les pouvoirs publics français ont rapidement réagi pour permettre que la continuité des soins aux patients suspectés ou diagnostiqués Covid-19 ou atteints d'autres maladies puisse être assurée à distance par télémédecine et télésoin.

Bien que ces mesures soient annoncées comme temporaires, limitées pour l'instant à la période du confinement, nul doute que les nouvelles pratiques de soins acquises pendant cette période de deux à trois mois laisseront un sillon dans lequel fleurira une nouvelle façon de pratiquer la médecine et les soins au 21ème siècle.

Quelles sont les professions de santé autorisées à pratiquer la télésanté pendant la pandémie Covid 19 ?

Elles sont identifiées dans un document du Ministère de la santé en date du 27 mars que nous résumons dans ce billet. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/tableau-activites-autorisees-telesante.pdf

Les médecins peuvent pratiquer la téléconsultation dans des conditions qui dérogent au parcours de soin, définies dans l'avenant 6 de la convention médicale dont l'arrêté ministériel date du 1er août 2018.

Le décret du 9 mars 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041704122&categorieLien=id ) et l'arrêté du 23 mars 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.docidTexte=JORFTEXT000041746744&categorieLien=id ) s'appliquent au plan "pratico-pratique" de la manière suivante : 

Il n'est plus nécessaire d'avoir une connaissance préalable du patient pour répondre à une demande de téléconsultation. Autrement dit, tout médecin peut délivrer une téléconsultation à un patient suspect ou diagnostiqué d'une infection au covid-19, que ce soit le patient ou le médecin qui la demande. A la condition bien évidemment que le médecin dispose d'une solution numérique de téléconsultation.

La videotransmission reste obligatoire. Il existe sur le site du Ministère plus de 90 solutions numériques, suffisamment sécurisées, pour réaliser une téléconsultation par videotransmission (voir le billet "Solutions télésanté" dans la rubrique "le Pratico-pratique").

La videotransmission permet au médecin de voir chez un patient suspect ou diagnostiqué d'infection au covid-19, s'il présente, outre les symptômes évocateurs du covid-19 (fièvre, fatigue, toux sèche, anosmie, agueusie, etc.), des signes de détresse respiratoire qui justifieraient une hospitalisation immédiate par un appel au 15.

Il est demandé au patient d'être torse nu face à la caméra afin que le médecin juge au niveau du thorax l'état polypnéique ou non (signes de gravité: polypnée > 22 respirations/minute, essoufflement avoué, difficulté à finir ses phrases sans pause), de montrer ses mains pour juger de la présence ou non d'une cyanose des extrémités. Seule une bonne videotransmission permet de faire un tel examen à distance.

Si cette téléconsultation est assistée d'un professionnel de santé (infirmier ou d'une infirmière libéral(e) à domicile ou en Ehpad ou d'un pharmacien à l'officine, l'oxymétrie du pouls (SpO2) par un saturomètre digital et la mesure de la tension artérielle systolique viennent compléter l'examen à distance du médecin (voir le billet "Officines/covid-19" dans la rubrique "Edito de semaine").

Il est bien sûr préférable que la téléconsultation soit réalisée par le médecin traitant s'il est équipé d'une solution numérique dédiée. Plusieurs fonctionnalités sont proposées par les éditeurs de solutions, outre la videotransmission : la prise de rendez-vous, le transfert sécurisé de données écrites du patient vers le médecin et le transfert de données du médecin vers le patient (par exemple l'ordonnance si la e-prescription n'est pas encore en place). Deux autres fonctionnalités sont également proposées : le paiement direct de l'acte au médecin par le patient et la facturation de l'acte à l'assurance maladie par le médecin (remplaçant la FSE). 

Si le médecin traitant n'est pas équipé ou ne souhaite pas s'équiper d'une solution dédiée et sécurisée, le patient peut appeler une des plateformes de téléconsultation territoriale, régionale ou nationale (répertoriées dans la liste des solutions numériques sur le site du Ministère de la santé). Le médecin de la plateforme pourra transmettre, avec le consentement du patient, le compte rendu de la téléconsultation au médecin traitant ou versera ce compte rendu dans le DMP su patient s'il est ouvert.

Quelle que soit la solution numérique choisie, la téléconsultation est cotée par le médecin généraliste "TCG" et par le médecin spécialiste "TC" suivi de la lettre clé de la spécialité. Les médecins spécialistes hospitaliers qui suivent des patients atteints de maladies chroniques peuvent réaliser des téléconsultations à partir de l'hôpital, directement au domicile du patient. Pendant cette période d'épidémie, la téléconsultation est remboursée à 100% par l'Assurance maladie obligatoire (AMO).

Les médecins peuvent également pratiquer des téléexpertises, en dérogeant aux conditions de l'avenant 6 de la convention médicale, c'est à dire qu'il n'y a plus de limitation du nombre de téléexpertise par patient, mais les niveaux de téléexpertises (T1 et T2) doivent être respectés pour la facturation. L'outil qui permet la téléexpertise doit être sécurisé. Dans la liste des solutions numériques dédiées à la téléconsultation, plusieurs permettent également la téléexpertise et sa facturation à l'AMO. Cette possibilité peut faire partie du critère de choix de la solution numérique.

Dans le cadre des protocoles de télésurveillance des patients en insuffisance cardiaque chroniques, inclus dans le programme ETAPES, le critère d’hospitalisation dans l’année ou les 30 jours précédents pour l'inclusion des patients dans le dispositif est supprimé du cahier des charges.

Pour les sages-femmes, l'arrêté du 23 mars 2020 autorise ces professionnels de santé de médicaux à réaliser des téléconsultations. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746744&categorieLien=id 

Ces téléconsultations sont autorisées pour toutes patientes enceintes pendant la période de pandémie au covid-19. Ces professionnels peuvent utiliser les solutions numériques dédiées à la téléconsultation médicale (voir le billet "Solutions télésanté" dans la rubrique "le Pratico-pratique"). L'acte de téléconsultation est côté TCG et le remboursement par l'AMO suit les règles habituelles.

Pour les infirmiers et infirmières, le suivi des patients suspectés ou diagnostiqués covid-19 par télésoin est autorisé par le décret du 19 mars 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.docidTexte=JORFTEXT000041737421&categorieLien=id) Les conditions de mise en oeuvre ainsi que le financement de l'acte de télésuivi infirmier sont précisés dans l'arrêté du 23 mars 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041746744&categorieLien=id ), après que la haute autorité de santé (HAS) ait donné son avis au Ministre de la santé le 16 mars 2020 (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-03/ac_2020_0022_telesuivi_covid19.pdf ).

Ce suivi des patients covid-19 par télésoin infirmier se fait sur prescription médicale. L'infirmier ou l'infirmière participe à la surveillance clinique des patients suspectés d'infection ou reconnus atteints du covid-19. Il est dérogé à l'obligation d'un premier soin en présentiel et à l'usage de la vidéotransmission si les équipements du patient et de l'infirmier ne le permettent pas. Dans ces situations, le téléphone peut être utilisé. Certaines solutions numériques dédiées à la téléconsultation médicale sont éligibles pour un télésoin infirmier par vidéotransmission (voir le billet intitulé "Solutions de télésanté" dans la rubrique "le Pratico-pratique"). La rémunération est AMI 3,2 par acte et le remboursement par l'AMO est de 100%.

Pour les orthophonistes, la pratique du télésoin orthophonique est précisée par l'arrêté du 25 mars 2020. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=EFB73DB8FA515A6C634BD7834DFF5123.tplgfr41s_3?cidTexte=JORFTEXT000041755801&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041755510

Elle s'adresse à tous les patients qui nécessitent une prise en charge orthophonique. Le télésoin orthophonique est réalisé par videotransmission. Les solutions numériques précédemment citées pour la télémédecine (voir le billet intitulé "Solutions de télésanté" dans la rubrique "le Pratico-pratique") peuvent être utilisées dans le télésoin orthophonique.

Sont exclus du télésoin orthophonique, les bilans initiaux et les renouvellements de bilan. La pertinence du télésoin est déterminée par l'orthophoniste. Le premier soin doit être réalisé en présence du patient.

Quelques précisions sont apportées pour la prise en charge par télésoin orthophonique des mineurs et des personnes en perte d'autonomie. Pour les mineurs de moins de 18 ans, la présence d'un des parents majeurs ou d'un majeur autorisé est nécessaire pendant le télésoin. De même, pour les patients présentant une perte d'autonomie, la présence d'un aidant est requise comme en présentiel. Le remboursement des actes AMO en télésoin orthophonique est le même qu'en présentiel. La cotation est précisée dans une annexe à l'arrêté.

Bien que ne faisant pas partie des professionnels de santé, le ministère de la santé précise que les psychologues peuvent aussi réaliser leur consultation à distance pendant la période du Covid-19.

Le cadre juridique de ces nouvelles pratiques sera -t-il maintenu après la période de l'épidémie ? 

Toutes ces mesures sont prises pour que les patients suspectés ou  diagnostiqués covid-19 ne se déplacent pas au cabinet de leur médecin, afin de respecter le confinement. Elles s'appliquent également aux autres patients qui doivent être suivis pour leur maladie chronique. Les spécialistes hospitaliers qui suivent régulièrement ces malades (patients transplantés, insuffisants rénaux dialysés, patients en chimiothérapie, etc.) s'organisent pour suivre leurs patients par téléconsultation ou pratiquer la téléexpertise avec les médecins généralistes de soin primaire.

Lorsque l'épidémie sera terminée, il sera difficile de revenir au cadre juridique antérieur car des habitudes de soins à distance auront été prises par les patients. Comme nous l'avons souvent rappelé sur ce site, la grande majorité de la population française attendait le développement de la télémédecine et du télésoin bien avant que survienne l'épidémie au covid-19. Les professionnels de santé, en particulier les médecins, freinaient ou étaient totalement opposés à ces pratiques (voir le billet intitulé "La TLC: le paradoxe" dans la rubrique "Edito de semaine").

Pendant deux à trois mois, les citoyens français et les professionnels de santé vont pouvoir évaluer l'intérêt de cette nouvelle façon d'exercer la médecine et les soins. Pour l'instant, ces pratiques sont obligatoires pour respecter le confinement. Il est néanmoins fort probable que dans le post-Covid-19, ces nouvelles pratiques feront partie des autres pratiques en présentiel de la médecine et des soins. La plupart des pays touchés par le covid-19 pensent que l'épidémie aura eu raison des freins des professionnels de santé vis à vis de la télésanté (voir le billet "Telemedecine 34" dans la rubrique "Revue et publications")

29 mars 2020

 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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