Quels peuvent être les cas d'usage de la télémédecine en odontologie ?

L'odontologie est la spécialité médicale et chirurgicale couvrant l'étude et les soins de l'organe dentaire, des maxillaires et des tissus attenants. Les termes "médecine dentaire", "chirurgie dentaire", stomatologie et "dentisterie" sont synonymes. Le champ de l'odontologie est large : l'odontologie conservatrice (soins sur la couronne dentaire), l'endodontie (soins à l'intérieur des racines dentaires), l'endodontie chirurgicale (chirurgie de l'extrémité des racines dentaires), l'occlusodontie (science de l'occlusion dentaire), l'odontologie chirurgicale (chirurgie en rapport avec les dents), la pose de prothèses, la parodontie (traitement des maladies parodontales), l'implantologie, l'orthodontie ou l'odontologie médico-légale. L'odontologie s'exerce sous le statut libéral ou salarié d'une institution.

Il est évident que la plupart des soins en odontologie se pratiquent en présentiel. L'intérêt de la télémédecine apparaît dans le dépistage des pathologies bucco-dentaires et le parcours des soins délivrés aux patients par l'odontologue ou le chirurgien-dentiste.

La pratique de la télémédecine en odontologie ou chirurgie-dentaire est légale depuis le 26 juillet 2009. Le cadre réglementaire de la télémédecine du 19 octobre 2010, revisité le 13 septembre 2018, s'applique à tous les professionnels de santé médicaux figurant au code de la santé publique, dont les chirurgiens-dentistes.(http://www.telemedaction.org/424767781)

S'agissant d'un exercice le plus souvent libéral, il restait à préciser après la parution du décret, dans le cadre de négociations conventionnelles avec l'Assurance maladie, les conditions de mise en oeuvre de la téléodontologie libérale et les rémunérations des différents actes de télémédecine. Ces négociations ont débuté il y a quelques jours et un arrêté précisera le résultat des négociations dans quelques semaines.

Il y a eu en France des équipes pionnières de la téléodontologie dont nous avons rapporté les travaux scientifiques dans un précédent billet (http://www.telemedaction.org/436882984). Les expérimentations de la téléodontologie se sont réalisées en milieu hospitalier, comme c'est le cas de nombreuses applications pionnièrtes de télémédecine.

Nous voudrions montrer dans ce billet les cas d'usage possibles de la téléodontologie en secteur libéral, sachant qu'un cas d'usage est une situation clinique que le professionnel de santé médical juge pertinente pour un patient, lequel donne préalablement son consentement à cette pratique de télémédecine.(http://www.telemedaction.org/434596548) Nous souhaitons montrer que les pratiques de télémédecine, actuellement remboursées par l'Assurance maladie, peuvent parfaitement s'appliquer à certaines situations cliniques d'odontologie en secteur libéral.

La téléexpertise asynchrone de dépistage en odontologie 

Comme les ophtalmologues qui dépistent la rétinopathie diabétique par un rétinographe dont l'imagerie est réalisée par les orthoptistes, les odontologues disposent désormais de micro-caméras qui permettent de faire une imagerie de la cavité buccale pour dépister les pathologies bucco-dentaires, en particulier les caries. Un infirmier ou un assistant dentaire peut être formé à la réalisation de cette imagerie comme l'ont été les orthoptistes.

La téléexpertise odontologique asynchrone en Ehpad et autres établissements médico-sociaux

Il s'agit bien de téléexpertise (TE) puisque le professionnel de santé médical requérant peut être le médecin traitant du résident ou le coordonnateur médical de l'Ehpad. Elle est asynchrone car l'imagerie réalisée est adressée ensuite à l'odontologue libéral requis pour interprétation diagnostique. Le compte-rendu de cette TE à visée diagnostique précise le protocole de soins à mettre en place. Les soins seront alors programmés en présentiel. 

Les avantages de cette imagerie de dépistage sont nombreux. Un déplacement en présentiel est évité en particulier pour les résidents handicapés sur le plan psychique ou physique. Le programme de soins bucco-dentaires proposé par l'odontologue libéral peut ensuite être discuté avec l'équipe soignante de l'Ehpad, laquelle doit prendre en compte les pathologies chroniques associées et leurs traitements. De nombreux résidents d'Ehpad cumulent plusieurs maladies chroniques (insuffisance cardiaque, diabète, insuffisance rénale, etc.) ou sont sous traitement anticoagulant oral pour des pathologies cardio-vasculaires chroniques.

Les bénéfices du programme de soins dentaires proposé par l'odontologue libéral seront confrontés aux risques éventuels, en particulier lorsque le résident est sous traitement anticoagulant. La prise en charge pluridisciplinaire est alors nécessaire, et en cas de suspension temporaire du traitement anticoagulant oral, l'avis du cardiologue doit être recueilli.

La téléexpertise odontologique asynchrone en prison

Le dépistage des pathologies bucco-dentaires dans la population carcérale est une autre application de la téléodontologie. L'infirmière de prison, formée à la pratique de l'imagerie bucco-dentaire, permet de réaliser l'imagerie bucco-dentaire nécessaire à la réalisation d'une téléexpertise asynchrone par l'odontologue libéral. Le médecin en charge de la prison, généralement salarié d'un établissement de santé, est le médecin requérant. L'établissement pénitentiaire est toujours rattaché à un établissement de santé. La téléodontologie peut aussi être réalisée par un odontologue salarié de l'établissement de santé en charge de la prison. Nous n'abordons pas dans ce billet l'exercice de la téléodontologie en établissement de santé.

La téléexpertise asynchrone ou synchrone en odontologie à la demande d'un médecin

L'odontologue ou chirurgien-dentiste peut être sollicité par le médecin traitant de soins primaires ou par un autre médecin spécialiste (par exemple un médecin anesthésiste avant une intervention sous anesthésie générale avec intubation). La téléexpertise peut être asynchrone ou synchrone. L'outil utilisé pour l'échange d'informations peut être une messagerie sécurisée en cas de TE asynchrone avec réponse différée ou le téléphone pour une TE synchrone avec réponse immédiate.

Quel que soit l'outil utilisé, cette TE devra respecter les conditions générales d'exercice d'un acte de télémédecine et surtout devra avoir une trace dans le dossier médicale de cet échange. Cette trace doit figurer, non seulement dans le dossier du médecin requérant, mais également dans celui de l'odontologue requis.

La téléconsultation en odontologie

Les cas d'usage sont rares car généralement la consultation odontologique en présentiel est associée à la réalisation de soins qui ne peuvent être effectués à distance, du moins en l'état actuel des équipements numériques. La téléconsultation odontologique relèverait donc d'un mode de télésurveillance d'effets cliniques au décours de soins dentaires, par exemple pour des personnes handicapées qui ne peuvent se rendre au cabinet dentaire.

Une téléconsultation est toujours synchrone avec un patient qui dialogue par écran interposé avec l'odontologue et qui peut être assisté d'un infirmier ou d'une infirmière, par exemple en Ehpad. La définition dans le code de la santé publique est claire : la téléconsultation a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation.

Le professionnel de santé qui assiste le patient peut ainsi retraduire à l'odontologue certains faits cliniques que le patient a du mal à expliquer. Le degré de participation d'un patient à une téléconsultation, en particulier s'il est âgé, peut être variable et c'est l'assistance du professionnel de santé auprès du patient qui permet la réalisation de cette téléconsultation. Toutefois, si la fonction cognitive du patient n'est pas suffisante, la téléconsultation peut être jugée non pertinente et être remplacée par une TE synchrone ou asynchrone.

Quelles obligations de nature  déontologique pour l'odontologue libéral ?

Comme pour tout acte à finalité médicale, en médecine présentielle comme en télémédecine, une information claire et appropriée doit être donnée au patient sur les bénéfices et les risques de l'acte visé. Si le résident n'est pas en mesure de comprendre cette information, elle doit être donnée à la famille ou à une personne de confiance ou au tuteur du résident. Un consentement doit toujours être recueilli avant de commencer les soins par télémédecine (art.4127-236 du code de déontologie des chirurgiens-dentistes transcrit dans le code de la santé publique).

Dans cette pratique de la téléodontologie libérale, le secret professionnel doit être respecté (art.4127-208), tous les patients relevant de soins dentaires doivent être soignés s'ils ont donné leur consentement (art.4127-211). S'agissant d'une organisation nouvelle de soins, l'information donnée au patient ou à ses ayants droits doit s'appuyer sur les preuves scientifiques d'un bénéfice pour le patient (art.4127-233) et la pertinence de cette organisation nouvelle relève du professionnel de santé.

Quel modèle économique pour la téléodontologie libérale ? 

S'agissant d'une activité libérale, la TE asynchrone en odontologie pour le dépistage des pathologies bucco-dentaires pourrait reprendre le modèle de la TE asynchrone en ophtalmologie pour le dépistage de la rétinopathie diabétique. La rémunération de l'odontologue requis pour la lecture en différé de l'imagerie bucco-dentaire réalisée par une infirmière ou un assistant dentaire pourrait être comparable à celle retenue pour l'ophtalmologue qui lit en différé l'imagerie rétinienne (rétinographie) réalisée par l'orthoptiste. https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=WxArWNgl0g62Kbe835zJ0HVEXILojmKp9tcAuKhOmEw= , https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/5381/document/memo-depistage-retinopathie-diabetique_assurance-maladie.pdf. Le professionnel de santé paramédical qui réalise l'imagerie bucco-dentaire pourrait être rémunéré comme l'est l'orthoptiste pour la réalisation d'une rétinographie.

Pour poursuivre la similitude organisationnelle entre le dépistage à distance des pathologies bucco-dentaires et le dépistage de la rétinopathie diabétique, des référentiels de bon usage de la téléondontologie pourraient être produits par les sociétés savantes d'odontologie (Société française de chirurgie orale) et la Société française de gériatrie, comme l'a fait en 2018 la Société française d'ophtalmologie avec la  Société française de diabétologie. (https://www.sfdiabete.org/sites/www.sfdiabete.org/files/files/ressources/referentiel_complications_oculaires_sfd_sfo_mmm.pdf)

La rémunération d'une téléconsultation odontologique devrait être du niveau de celle fixée pour les médecins et les sages-femmes.

Le 2 décembre 2020

 

 

 

 

 

 

Commentaires

Dr Charles Faroche

27.03.2022 08:56

Merci, les applications sont multiples mais parfois non revendiquées (du fait de l'absence -actuelle- de remboursement notamment). Cet article mériterait une mise à jour

Exemple : www.lovis.care

Pierre Simon

27.03.2022 15:15

Avec plaisir, je vais y penser.

Dr Sabine Barlette

02.12.2020 18:00

Merci cher confrère pour cette synthèse. Il y a aussi la TC "classique" non assistée qui a connu un essor pendant le 1er confinement et la RM en test en Bretagne. À disposition. Dr Sabine Barlette

Pierre Simon

03.12.2020 07:43

Merci de ce commentaire. Vous avez raison. Je n'ai pas abordé la période Covid car la loi d'Urgence sanitaire n'avait pas intégré les téléconsultations odontologiques

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

Partagez cette page