Quelle pourrait être la future organisation médicale du télésuivi au domicile des patients atteints de maladies chroniques ?

En 2022, le financement de la télésurveillance (TS) médicale pourrait passer dans le droit commun de la sécurité sociale, rejoignant ainsi la téléconsultation (2018) et la téléexpertise (2019). Le programme ETAPES (http://www.telemedaction.org/432585384) n'a pas eu le succès attendu. Il sera difficile de montrer un réel service médical rendu (SMR) aux patients atteints de l'une des cinq maladies chroniques retenues dans ce programme, le nombre de patients inclus étant trop faible, à l'exception des patients porteurs d'un dispositif implanté pour troubles du rythme cardiaque qui représentent 80% des inclusions dans le programme. (Télésurveillance et expérimentations ETAPES. Quelle pérennité après 2021 : quel modèle organisationnel et financement ? | Elsevier Enhanced Reader)

On pourra probablement juger de l'intérêt d'un accompagnement thérapeutique par un professionnel de santé, qui était l'élément novateur de cette nouvelle organisation portée par ETAPES (http://www.telemedaction.org/447897302) Les résultats de l'expérimentation ne feront que confirmer ceux déjà publiés dans la littérature médicale internationale, récemment analysée par la HAS (http://www.telemedaction.org/448316348).

Le développement de dispositifs médicaux (DM) par pathologie chronique était certainement utile pour conduire une recherche clinique dans chacune des pathologies concernées. Mais cette approche technologique de la TS médicale au domicile des patients se heurtera rapidement au phénomène "Big Brother" et surtout à l'éthique médicale lorsque des patients, souvent très âgés avec plusieurs maladies chroniques, cumuleront plusieurs solutions numériques de télésuivi. (http://www.telemedaction.org/449286796)

Dans ce billet, nous proposons une autre approche du télésuivi des patients atteints de maladies chroniques. Elle s'appuie sur la combinaison des pratiques de télémédecine, en donnant la priorité à la téléconsultation (TLC) et au télésoin (TLS) qui permettent, grâce à une videotransmission de qualité, de maintenir une relation humaine entre le patient et le professionnel de santé. Les récentes évolutions technologiques pourraient permettre de reconsidérer l'organisation proposée par le programme ETAPES.

Une TLC plus performante grâce à l'analyse pléthysmographique du visage 

Les indications de la pléthysmographie en médecine vasculaire sont anciennes, en particulier pour détecter une thrombose veineuse au niveau du mollet.

Les chercheurs de la start-up messine I-Virtual (l'image du billet) travaillent depuis 5 ans sur l'usage de la pléthysmographie du visage pour mesurer au moins 6 variables physiologiques : la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la fréquence respiratoire, la saturation en oxygène du sang, la variabilité cardiaque et le niveau de stress. Le traitement algorithmique de milliers de mesures au niveau du visage permet d'améliorer la sensibilité et la spécificité de l'analyse pléthysmographique du visage afin d'atteindre une fiabilité optimale des variables mesurées.

Une étude clinique sur 1000 patients, réalisée en partenariat avec le CHRU de Nancy, devrait montrer prochainement le niveau de sensibilité et de spécificité de la pléthysmographie du visage pour obtenir une valeur fiable de la tension artérielle. D'autres études cliniques sont en cours pour d'autres variables physiologiques, dont la glycémie.

L'idée intéressante de ces chercheurs est de vérifier si au cours d'une TLC par vidéotransmission (avec écran de haute définition proche de la visio présence), le "selfie" du visage peut donner des résultats fiables de ces différentes variables physiologiques.

Quelle pourrait être l'application de la pléthysmographie du visage dans le télésuivi au domicile de patients atteints de maladies chroniques ?

En 2018, la videotransmission est devenue obligatoire pour obtenir un remboursement par l'Assurance maladie des actes de TLC et de TLS. Cette obligation a été mise à mal pendant la période covid-19 (http://www.telemedaction.org/446583038), mais devrait être à nouveau exigée à la fin de l'état d'urgence sanitaire pour toute relation à distance d'un professionnel de santé avec un patient. (http://www.telemedaction.org/442726835)

La vision du patient lors d'une TLC et d'un TLS, outre qu'elle rend plus humain l'échange avec le professionnel de santé, apporte aussi des informations cliniques qui ont été rappelées par les autorités sanitaires lors du télésuivi au domicile des patients infectés par la Covid-19, en particulier pour dépister les premiers signes d'une complication respiratoire. (http://www.telemedaction.org/445307242)

Chez un patient atteint de plusieurs maladies chroniques, la TLC médicale et le TLS infirmier ou pharmaceutique pourraient comprendre l'analyse pléthysmographique du visage pendant le dialogue à distance et indiquer au professionnel de santé médical ou paramédical l'existence ou non de premiers signes suggérant un début de complication d'une ou de plusieurs maladies chroniques dont est atteint le patient. 

Il faut bien évidemment obtenir préalablement plusieurs études de recherche clinique pour calculer la sensibilité et la spécificité des variables physiologiques mesurées par pléthysmographie du visage dans plusieurs maladies chroniques. Ainsi, le professionnel de santé médical ou paramédical pourrait être alerté au cours d'une TLC ou d'un TLS d'un début de complication cardiaque (baisse du débit cardiaque et de la tension artérielle, trouble du rythme cardiaque), métabolique (baisse ou hausse de la glycémie), respiratoire (baisse de la SaO2 ou SpO2), rénale (hyperhydratation, déséquilibre acido-basique), etc. L'apparition de telles anomaiies déclencherait une exploration plus approfondie de la maladie chronique en situation de déstabilisation débutante, pouvant justifier une consultation médicale en présentiel immédiate ou permettant la mise en place de mesures correctives telles que la prescription ou le réajustement d'un traitement.

Une TS médicale assurée par le médecin traitant avec la collaboration des IDEL, IPA et pharmaciens.

ETAPES : un modèle organisationnel de TS médicale qui a exclu le médecin généraliste traitant.

Aujourd'hui, les expérimentations de TS médicale au domicile sont assurées, en particulier dans le programme ETAPES, par les médecins spécialistes de la maladie chronique concernée, un professionnel de santé paramédical assurant l'accompagnement thérapeutique et un industriel fournissant le DM. Le médecin traitant a été exclu de cette expérimentation, (à l'exception toutefois du diabète de type 2), sur le fondement que ces maladies chroniques, pourvoyeuses d'hospitalisations répétées, relevaient de la prescription et de la surveillance d'un médecin spécialiste, généralement hospitalier.

La complexité des modèles de TS médicale du programme ETAPES pouvait justifier qu'elle soit confiée à un médecin spécialiste de la maladie chronique. Ces modèles n'ont pas eu le succès escompté. Ce modèle français de TS médicale s'est peut-être inspiré des échecs d'études européennes où le médecin généraliste traitant était totalement impliqué dans le télésuivi. (http://www.telemedaction.org/429367907)

La TS médicale par TLC avec le médecin traitant et par TLS infirmier ou pharmaceutique grâce à la pléthysmographie du visage gérée par des algorithmes

Nous avons souligné sur ce site l'intérêt d'impliquer le médecin traitant dans la TS médicale de sa patientèle touchée par des maladies chroniques, si on veut maintenir le rôle du médecin traitant en 2030 (http://www.telemedaction.org/448775110). La patientèle touchée par une ou plusieurs maladies chroniques représente plus de 60% de l'activité d'un médecin généraliste traitant. (http://www.telemedaction.org/page:7FA28709-56BF-430A-BA74-1E08DE77B42F"448060112.html" style="padding: 0px; text-align: justify; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: underline solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">http://www.telemedaction.org/448060112) La pléthysmographie du visage est l'exemple d'une application de l'IA venant renforcer la performance de la TLC et du TLS.

Une organisation nouvelle qui implique l'usage combiné des différentes pratiques de télémédecine (TLC, TE, TS) et du TLS.

Le prochain avenant 9 de la Convention médicale prévoit pour le médecin généraliste traitant le remboursement de 20% de son activité en téléconsultations. Une partie de cette activité pourrait être consacrée au télésuivi des patients chroniques en alternance avec des consultations présentielles. Avec la pléthysmographie du visage, ce serait une TLC "augmentée" par l'IA.

Cette nouvelle solution technologique n'exclut pas l'assistance d'un professionnel de santé à la TLC d'une personne âgée et l'usage d'objets connectés pour obtenir certaines données non fournies par la pléthysmographie du visage (otoscope par exemple) ou tout simplement vérifier que les données pléthysmographiques sont exactes (oxymètre, spiromètre, tensiomètre, ECG, etc.) au nom de la garantie humaine pour toute information médicale donnée par un algorithme.

Cette organisation renforcerait les cas d'usage de TE immédiate ou différée avec le médecin spécialiste si la complication débutante nécessite de recueillir l'avis rapide d'un médecin spécialiste. (http://www.telemedaction.org/449127536). On voit ici l'intérêt de solutions numériques qui permettent au médecin traitant l'usage combiné de la TLC et de la TE.

L'IDEL, l'IPA et le pharmacien sont appelés à pratiquer le TLS pour suivre des patients atteints de maladies chroniques dans le cadre d'un parcours de soins coordonné par le médecin traitant.(http://www.telemedaction.org/438506259). L'usage de la videotransmission, enrichie de la pléthysmographie du visage, leur permet de mettre en place une organisation nouvelle qui intègre dans leur activité quotidienne des séances de TLS programmées vers leur patientèle atteinte de maladies chroniques. Toute suspicion de complication débutante, suggérée par la pléthysmographie du visage les conduirait à en informer immédiatement le médecin traitant par TE, nouvelle pratique qui leur sera autorisée au cours de l'année 2021.

En résumé, la pléthysmographie du visage traitée par des algorithmes est indiscutablement une avancée technologique dans le domaine médical qui doit s'intégrer à de nouveaux schémas organisationnels de suivi à distance des patients atteints de maladies chroniques. Elle permet une TLC et un TLS plus performants, centrés sur la TS médicale de ces patients. Les équipes de soin primaire peuvent désormais s'impliquer dans la TS médicale de leurs patients chroniques.

14 mai 2021

 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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