La plateforme d'Etat (MES) peut-elle assurer la souveraineté numérique en santé de la France ?

Quand un citoyen français achète une Apple Watch pour surveiller ses paramètres physiologiques ou lorsqu'il réalise une téléconsultation avec WhatsApp, toutes ses données de santé partent dans les bases de données des GAFAM de la Silicon Valley aux Etats-Unis. La période Covid-19 a été une formidable époque de développement pour ces sociétés américaines, car l'usage de WhatsApp, de Skype, de Messenger, et d'autres objets connectés de télésuivi de la pandémie à travers le monde, qui ont permis d'assurer le maintien des soins et la prévention des contaminations, a fait exploser les bases de données de santé des GAFAM.

Pendant cette période pandémique, plusieurs milliards de citoyens à travers la planète ont contribué à augmenter la richesse des GAFAM et de leur équivalent chinois, les BATX, la donnée de santé étant devenue l'or noir du 21ème siècle. La valorisation boursière des GAFAM a doublé en 2020. Nul doute qu'on en verra les conséquences dans quelques mois avec une forte offensive de ces sociétés pour conquérir et maitriser la santé des citoyens de la planète grâce à solutions comme Apple Santé, Amazon santé, Calico de Google santé, etc. (https://www.apple.com/fr/healthcare/)(https://www.lesnumeriques.com/pro/amazon-fait-un-pas-de-plus-dans-la-sante-n161689.html) (https://www.doctissimo.fr/sante/grands-dossiers-sante/google-sante)

La souveraineté numérique de la France est-elle vraiment perdue à la sortie de la pandémie Covid-19 ? Certains le pensent et le disent, mais ce n'est pas nouveau. D'autres, au contraire, pensent que la feuille de route confiée à la Délégation du Numérique en Santé après la publication de la loi "Ma santé 2022" a été formidablement bien respectée et que la mise à disposition, à compter de janvier 2022, d'une plateforme nationale qui héberge, entre autres, le "coffre-fort des données de santé" (MES) de chaque citoyen français en est l'éclatante démonstration. La souveraineté numérique en santé d'un pays repose sur sa capacité à créer un Cloud national rassemblant toutes les données de santé de ses concitoyens. C'est ce que doit réaliser en France le Health Data Hub (HDH), créé par la loi du 24 juillet 2019.

Dans une audition récente devant le Sénat, le Secrétaire d'Etat au numérique précise que l'hébergement du HDH sera confié à un hébergeur français ou européen pour mettre un terme à l'ambiguïté sur la souveraineté des données de santé actuellement hébergées en Europe par l'un des GAFAM. (https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/cedric-o-bouscule-au-senat-sur-le-choix-de-microsoft-pour-heberger-le-health)

La souveraineté numérique passe aussi par le développement de l’indépendance technologique de la France afin de la rendre plus attractive dans les traitements innovants et les dispositifs médicaux de demain, en assurant la sécurité d’approvisionnement des produits essentiels pour la santé des Français. 7 milliards sont investis d’ici à cinq ans et consacrés à la recherche, aux industries, aux entrepreneurs et aux patients.

Le plan innovation santé 2030, lancé par le président de la République le 29 juin 2021, a l'ambition de faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé.  (https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/12/sante_innov30.pdf). Pour y parvenir, PariSanté Campus, centre dédié à la recherche, à la formation, à l’innovation et à l’entrepreneuriat dans le domaine de la santé numérique, a été inauguré par le Premier ministre le 15 décembre 2021. Le Comité de suivi chargé de veiller à l'exécution de ce plan est également en place, constitué paritairement de personnalités venant d'industries privées performantes dans la recherche en santé numérique et de grandes institutions de la recherche publique. 

Une Agence de l'innovation en santé sera créée au cours du premier semestre 2022. Cette agence publique indépendante aura trois priorités. La première sera de doter la France d’une stratégie et d’objectifs à court et à long terme, avec tous les acteurs de la recherche et de l’innovation. La deuxième sera de mettre en place un guichet unique pour les porteurs d’innovation afin d'accélérer le temps de mise sur le marché des nouveaux produits, en les faisant bénéficier d'un accompagnement personnalisé lorsque les projets seront jugés prioritaires pour la stratégie d’innovation en santé. La troisième sera de participer au pilotage du plan Innovation Santé, en lien avec le comité de suivi.

La plateforme MES va transformer les pratiques de télésanté (télémédecine, télésoin) (http://www.telemedaction.org/449536030en les rendant plus performantes, plus sécurisées et plus respectueuses des droits des patients.(http://www.telemedaction.org/449633783). Nous voudrions illustrer cette évolution dans ce billet.

Un "WhatApps" à la française pour réaliser avec agilité les actes de télésanté

Parmi les 144 solutions qui ont figuré sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé à partir du 16 mars 2020, seules 5 (3,5%) pouvaient prétendre rivaliser avec les performances du WhatsApp de Facebook. (http://www.telemedaction.org/445424795). Ces 5 solutions rassemblaient toutes les fonctionnalités de la solution américaine. Elles pouvaient en toute sécurité verser les comptes-rendus de téléconsultation et de téléexpertise  directement dans le DMP lorsqu'il avait été ouvert par l'usager. (http://www.telemedaction.org/page:E9D1C693-CE5A-4066-8917-B11014FF9D51"text-align: justify; padding: 0px 0px 22px; margin-bottom: 0px; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; line-height: 1.2; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: none solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">Mais ces solutions n'étaient pas suffisamment connues des professionnels de santé en mars 2020, ces derniers s'étant alors précipités sur le WhatsApp de Facebook qu'ils utilisaient dans leurs pratiques privées. On sait depuis 2018 que WhatsApp ne respecte pas l'article 65 du RGPD ce qui lui a valu une première sanction financière de 50 millions d'euros par l'Instance irlandaise de protection des données personnelles, sanction portée à 225 millions d'euros à la demande des autorités européennes. (https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-rgpd-whatsapp-condamne-a-225-meteuro-d-amende-84044.html)(http://www.telemedaction.org/442230230)

Ces solutions, et probablement d'autres, figureront au niveau de la plateforme nationale dans la partie consacrée aux solutions numériques dédiées aux professionnels de santé, après avoir été labellisées par les autorités compétentes. Les logiciels métiers des professionnels de santé et des établissements de santé devront être tous interopérables avec la plateforme nationale d'ici juillet 2023, ce qui leur permettra d'utiliser ces solutions pour réaliser les téléconsultations, téléexpertises et télésoins. Il est fort probable que seuls les actes réalisés avec ces solutions sécurisées de la plateforme nationale seront remboursés par l'Assurance maladie obligatoire (AMO).

Le professionnel de santé qui réalisera un acte de télémédecine (téléconsultation, téléexpertise) ou de télésoin pourra également accéder aux données de santé qui figureront dans le DMP de MES du patient afin de réaliser un acte pertinent en conformité avec les obligations réglementaires rappelées dans le décret du 3 juin 2021 relatif à la télésanté.(http://www.telemedaction.org/449653873)(http://www.telemedaction.org/449707641)

Les applis figurant dans MES pour réaliser l'éducation en santé des citoyens et le télésuivi des patients atteints de maladies chroniques

Comme nous l'avons précédemment indiqué (http://www.telemedaction.org/451406448), MES disposera d'un magasin où seront déposées les applis qui auront été préalablement labellisées par les autorités compétentes. Seules ces applis labellisées seront remboursées par l'AMO. La labellisation reposera sur l'engagement des fournisseurs de solutions à verser les données de santé de l'applis dans le DMP de MES. Une interopérabilité avec MES devra être assurée.

Il y a actuellement plus de 350 000 applis en santé. L'Etat français, dans sa mission régalienne joue son rôle en sélectionnant les applis dont il peut assurer la sécurité, la fiabilité et le service rendu aux patients. 

Avec cette plateforme d'Etat, l'aide de PariSanté Campus et de l'Agence de l'Innovation en santé, la France pourra développer en toute souveraineté des "Digital Thérapeutics" (http://www.telemedaction.org/444061514), dont il garantira le développement en France et à l'International.

Beaucoup de pays européens envient la stratégie développée par la France depuis 4 ans dans le domaine du numérique en santé : un cadre réglementaire précis qui ne peut que conforter les professionnels de santé et les fournisseurs de services d'e-santé dans leur responsabilité, un cadre éthique respectueux des grands principes humanistes, un financement dans le droit commun de la sécurité sociale des pratiques de télésanté depuis 2018 avec, en 2022, celui du télésuivi des patients atteints de maladies chroniques grâce des solutions labellisées qui seront remboursées par l'AMO lorsqu'elles figureront dans MES, un financement massif de la recherche en santé numérique, unique en Europe, enfin l'aboutissement d'une longue démarche vis à vis des droits des patients, initiée en mars 2002 par la loi Kouchner et qui atteint son apogée en 2022 avec MES, année du 20ème anniversaire de cette loi.

5 février 2022

 

 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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