La téléoncologie et la télépathologie permettent une meilleure personnalisation des soins chez les patients atteints d'un cancer

La pénurie annoncée d'oncologues d’ici 2030 dans la plupart des pays développés, le vieillissement des populations qui augmente le risque de cancer et la répartition très inégale de cette spécialité médicale sur les territoires sont parmi les principales raisons qui justifient la mise en œuvre et le développement de la téléoncologie. La télémédecine peut servir à redistribuer cette compétence médicale au niveau des territoires, notamment dans les zones qui en sont dépourvues. L’accès à la téléoncologie peut aider à réduire les prises en charge inadaptées ou trop tardives des patients atteints de cancer.

De multiples applications de la téléoncologie (téléconsultation, téléexpertise, télépathologie, télégénétique) ont été étudiées et publiées dans la littérature scientifique médicale. Les téléconsultations d’oncologie dans les zones rurales se sont développées dans plusieurs pays, notamment aux USA et en Australie, depuis plusieurs années. L’expérimentation conduite par l'Université du Kansas à partir de 2010 a démontré à la fois l'efficacité clinique et la rentabilité de cette pratique de télémédecine. Depuis, d'autres équipes ont confirmé l'efficacité de la téléconsultation oncologique dans les zones rurales et isolées et ont recueilli des taux élevés de satisfaction chez les patients qui en ont bénéficié. La télémédecine améliore ainsi l'accès des patients aux services cliniques de cancérologie et par voie de conséquence le rapport coût-efficacité.

Les patients atteints de cancer relèvent de soins multidisciplinaires réalisés en équipe. La télémédecine permet de réaliser cette collaboration interprofessionnelle grâce à la pratique de la téléexpertise (voir les billets consacrés à la téléexpertise dans la rubrique « le Pratico-pratique »)

La téléoncologie se prête bien au regroupement des services de télémédecine impliqués dans la prise en charge du cancer, comme la téléradiologie et la télépathologie. Dans son organisation habituelle, la plupart des prestations de téléoncologie associent la téléconsultation des patients vivant en zone isolée, la téléexpertise asynchrone avec la transmission de données de laboratoire, d'images, notamment anatomopathologiques, transmises pour une concertation pluridisciplinaire différée. Plusieurs études ont démontré l'efficacité d’une telle organisation pluridisciplinaire qui regroupe la téléradiologie, la télépathologie et la téléoncologie clinique dans le traitement du cancer du sein.  Il en résulte un meilleur accès à des soins de qualité grâce à une combinaison de soins en présentiel et de soins à distance par téléconsultation.

La téléconsultation génétique dans le dépistage du cancer

Fort de l’expérience de la téléconsultation génétique pour les malformations qui touchent les enfants, le programme de télémédecine de l'Arizona aux USA a développé des services de téléconsultation génétique auprès des populations adultes. Il existe aujourd’hui une littérature abondante sur les consultations génétiques par téléphone, ce qui a conduit plusieurs équipes d'oncologues américains à mettre en place des téléconsultations génétiques auprès des populations à risque de cancer vivant dans des zones rurales ou isolées, le dialogue avec les patients étant jugé plus humain par videotransmission que par téléphone. Cette nouvelle pratique du dépistage d'un risque de cancer, plus personnalisée, recueille un niveau élevé de satisfaction chez les patients américains. 

En France, les associations de patients réclament aussi un dépistage des gènes qui peuvent être responsables des cancers du sein et de l'ovaire (BRCA1/BRCA2). L'actrice "Angélina Jolie", porteuse de ces gènes, avait médiatisé sa décision d'une mastectomie et ovariectomie bilatérale à visée préventive.

Pour certains onco-généticiens, augmenter le dépistage génétique permettrait de sauver des vies. Ce test de dépistage obéit aujourd'hui à des règles précises : lorsqu'il y a plusieurs cas de cancer dans une même famille ou lorsque le cancer est particulièrement précoce. Pour certains oncologues, le test doit être élargi aux femmes qui ont un cancer du sein avancé pour qu'elles puissent bénéficier de traitements plus adaptés au contexte BRCA1 ou BRCA2. Selon l'association BRCA France, 100 000 personnes pourraient être concernées. Compte tenu de la pénurie en médecins oncologues, de l'hyperspécialisation de certains en génétique oncologique, la télémédecine pourrait être un moyen de couvrir davantage le territoire national en avis d'onco-généticiens.

La télésurveillance des patients traités par chimiothérapie à domicile ou dans un centre non spécialisé

Les services de téléoncologie peuvent assurer le suivi à distance de la chimiothérapie réalisée au domicile ou dans des centres non spécialisés. L'examen physique à distance délégué à un professionnel de santé non spécialisé et téléassisté par l’oncologue requiert une formation préalable de l’oncologue puisque c’est lui qui engage sa responsabilité médicale dans le résultat de l’examen. L’incapacité pour le téléoncologue de palper les régions tumorales nécessite qu’il définisse avec le professionnel de santé qu'il téléassiste un protocole d’examen physique précis. Les technologies de la santé mobile (les tablettes) peuvent être utilisées lorsque le suivi médical est réalisé à domicile.

La chimiothérapie en cancérologie est souvent l’objet d’essais cliniques. L'accès à ces essais est parfois limité aux patients vivant dans des zones urbaines proches des centres spécialisés. Les contraintes liées à la participation aux essais cliniques de cancérologie peuvent avoir un effet dissuasif sur la participation des patients vivant dans les zones rurales ou éloignées du centre spécialisé. La télémédecine peut être utilisée pour faciliter l’accès aux essais cliniques sur le cancer en facilitant l’éligibilité aux essais des patients, le recueil du consentement, la participation des patients vivant en zones éloignées du centre spécialisé, ainsi que le suivi avec l’évaluation et la gestion des symptômes ressentis.

Les applications de la santé mobile deviennent incontournables dans le suivi des cancers, de la prévention aux soins palliatifs.

Les patients atteints de cancer cherchent à rester en bonne santé physique et psychique (au sens de la définition de l’OMS de 1945) et à limiter le temps passé dans les établissements de soins ambulatoires et les hospitalisations. L'objectif de la santé mobile est d'aider les patients à rester à leur domicile tout en étant suivi par les oncologues du centre spécialisé. Les outils technologiques portables (smartphone, tablette) contribuent à assurer les soins au domicile.

Grâce à ces applications dédiées à la maladie, le patient devient un acteur essentiel de la surveillance au cours des périodes de rémission. Sa participation active (e-patient) permet aujourd’hui de dépister plus précocement les rechutes et de reprendre plus tôt la chimiothérapie. Le pronostic en est amélioré. Les données recueillies par les cohortes de patients télésuivis au domicile peuvent être traitées par des algorithmes auto-apprenant de l’IA qui permettent aux oncologues de mieux interpréter l’évolution de la maladie (voir les billets "tous des e-patients" et "IA en télémédecine "dans les rubriques "l'Edito du jour" et "On en parle").

Outre les plateformes Web de l'Institut national du cancer (INCA) (https://www.e-cancer.fr/)  et de la Ligue contre le cancer (https://www.ligue-cancer.net/) qui fournissent des informations essentielles sur la prévention et le traitement du cancer, certaines applications mobiles sont également conçues pour éduquer et accompagner les patients.

La télépathologie appliquée au diagnostic du cancer

En anatomopathologie, l’examen microscopique des tissus prélevés sur des lames de verre a toujours nécessité la présence physique du professionnel qualifié en examen anatomopathologique, notamment lors des examens « extemporanés » réalisés en salle d’opération. La télépathologie modifie ce paradigme en permettant la visualisation à distance d'images microscopiques, permettant ainsi de ne plus exiger la présence sur site de l’anatomopathologiste.

L’utilisation de la télépathologie pour une évaluation rapide sur site par des préparations cytologiques réalisées sur place joue un rôle de plus en plus important dans le diagnostic du cancer. La réalisation de diagnostics précis nécessite des tests immunohistochimiques. Les échantillons cytologiques ont aussi besoin de suffisamment de tissu pour réaliser ultérieurement les analyses moléculaires. Pour réaliser des diagnostics cytopathologiques précis avec une quantité suffisante de tissu il faut un protocole de prélèvement qui puisse fournir des échantillons interprétables malgré les procédures mini-invasives.

La télécytologie en temps réel est une avancée considérable qui permet de limiter le déplacement des pathologistes sur le site du prélèvement. Les pathologistes utilisent alors des microscopes robotisés à commande, déployés sur les sites satellites avec lesquels ils travaillent. Grâce à un effort de multidisciplinarité, d'éducation et de formation, les équipes médicales des laboratoires, celles de radiologie interventionnelle et d'endoscopie préparent les échantillons cytologiques par coloration et les chargent sur le microscope robotisé. Les pathologistes sont alors en mesure de contrôler à distance ces microscopes robotisés, d'analyser les prélèvements et de communiquer quasi-immédiatement les résultats aux professionnels  de santé qui sont sur site pour que ces derniers prennent les bonnes décisions thérapeutiques.

Cette technique innovante vient d’être évaluée au Department of Pathology, Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New Yorksur une période de 22 mois chez 439 patients. Il existait une corrélation parfaite dans 92,7% (407 sur 439) des cas avec le gold standard (analyse en présentiel par le pathologiste). Une amélioration de l'adéquation (un échantillon d’abord inadéquat qui devient suffisant) est survenue dans 6,6% (29 sur 439) des cas. A l’inverse, un prélèvement adéquat devenu rapidement ininterprétable a été constaté dans 0,7% des cas (3 sur 439). Ce travail vient d'être publié dans la revue Diagnostic Cytopathology. Rapid on-site evaluation using telecytology: A major cancer center experience. Lin O, Rudomina D, Feratovic R, Sirintrapun SJ. Diagn Cytopathol. 2019 Jan ; 47(1) :15-19. doi : 10.1002/dc.23925. Epub 2018 Mar 25.

12 janvier 2019 

 

 

Commentaires

F.B

10.08.2020 14:24

Bonjour,

Auriez-vous les cordonnées d'un Oncologue que je peux contacter par téléphone, par mail ou même avec une téléconsultation?
En effet, J'ai un GIST.

Merci

Sabrina

11.08.2020 14:52

Bonjour Pierre,
Encore mille merci.
Je vous ai envoyé un mail.

Pierre Simon

11.08.2020 14:44

Bonjour Sabrina,
Donnez-moi une adresse mail (mon adresse est pierresimon491@yahoo.fr) et je vais vous mettre en relation avec un oncologue qui vous éclairera sur la conduite à suivre

F.B

11.08.2020 14:32

Bonjour Pierre,

Merci pour votre réponse.
Je suis en Algérie, et vu le contexte sanitaire actuel, je ne peux me déplacer. Le chirurgien qui m’a opéré m’a juste demandé à consulter un oncologue.

Pierre Simon

11.08.2020 13:42

Je ne sais de quelle région vous êtes et qui a posé le diagnostic. Normalement, c'est le gastro-entérologue qui pose le diagnostic de GIST. C'est lui qui doit vous introduire auprès de l'oncologue

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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