La téléconsultation pour une IVG médicamenteuse : un nouvel exemple d'un parcours associant soins distanciels et présentiels

Alors que certains considèrent que la téléconsultation sur les plateformes des sociétés de téléconsultation pour des adultes jeunes pourrait être une dérive de la médecine traditionnelle eu égard à l'âge moyen des personnes qui sollicitent une téléconsultation ponctuelle (31 ans) en comparaison avec l'âge moyen des patients qui fréquentent les cabinets médicaux (51 ans) (https://www.mgfrance.org/publication/communiquepresse/3426-plateformes-et-cabines-de-tele-consultation-mg-france-demande-des-controles-accrus), opinion relayée par le journal Quotidien du Médecin (https://www.lequotidiendumedecin.fr/sante-societe/e-sante/davantage-dantibiotiques-et-de-revoyure-les-derives-des-plateformes-de-teleconsultation-mises-en?xtor=EPR-1-%5BNL_editionnumerique%5D-%5B20231208%5D&utm_content=20231208&utm_campaign=NL_editionnumerique&utm_medium=newsletter&utm_source=qdm), nous versons au dossier du débat actuel, passionné, sur la téléconsultation pourtant plébiscitée par les jeunes adultes (https://telemedaction.org/422016875/453185455), un nouveau cas d'usage de la téléconsultation de la femme jeune, né au cours de la pandémie Covid-19 et aujourd'hui pérennisé dans de nombreux pays qui autorisent l'avortement.


L'avortement médicamenteux par téléconsultation, autorisé en France pendant la pandémie et pérennisé depuis le 19 février 2022 correspond à un réel besoin d'accès à des soins chez les femmes jeunes, parfois mineures, qui ont du mal à entrer dans le parcours de soins dédié à l'IVG. Ce nouveau cas d'usage de la téléconsultation devrait faciliter l'accès à l'IVG des quelque 235 000 femmes françaises qui ont recours chaque année à cette pratique, un nombre en progression régulière depuis plusieurs années. La nouvelle organisation professionnelle qui en découle pourrait également faciliter l'accès précoce à un médecin ou une sage femme (avant la fin des 9 semaines d'aménorrhée auprès d'un professionnel libéral) afin de réaliser un avortement médicamenteux, moins traumatisant pour les femmes que l'IVG chirurgicale en établissement de santé et de permettre d'éviter le dépassement légal de 16 semaines d'aménorrhée (14ème semaine de grossesse). Il y avait, en 2021, 3000 à 6000 femmes françaises qui se rendaient à l'étranger pour avorter. Cette nouvelle indication de la téléconsultation pour une IVG médicamenteuse vient compléter les autres cas d'usage de la télémédecine en obstétrique/gynécologie qui complètent des soins présentiels (https://telemedaction.org/432098221/442909020)(https://telemedaction.org/445927157/446821228).


Une revue de la littérature médicale scientifique sur ce cas d'usage de la téléconsultation pour obtenir une IVG médicamenteuse vient d'être publiée, rapportant en particulier l'expérience des Etats-Unis où la législation sur le droit à l'avortement varie selon les Etats. Nous présentons et commentons ce cas d'usage de cette téléconsultation qui peut être non-programmée ou programmée. Nous recommandons au lecteur intéressé par le sujet de lire in extenso cette revue réalisée par une équipe de gynécologues américains de l'université de l'Ohio.

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Telemedicine Abortion. Dunlop H, Sinay AM, Kerestes C.Clin Obstet Gynecol. 2023 Dec 1;66(4):725-738. doi: 10.1097/GRF.0000000000000818. Epub 2023 Sep 22.PMID: 37910115 Review


INTRODUCTION


La pandémie de COVID-19 a fait entrer la télémédecine dans les soins médicaux courants. Cette nouvelle pratique restera probablement un moyen standard d'accéder aux soins de santé. Cela inclut notamment les soins liés à un avortement. Ces soins sont urgents à réaliser et souvent difficiles à obtenir en présentiel, ce qui fait de la télémédecine une alternative possible à la recherche souvent laborieuse d'un établissement habilité à réaliser l'avortement. Même avant la pandémie, l'avortement médicamenteux se prêtait à l'usage de la télémédecine car les patientes n'avaient pas besoin d'être en présentiel avec un professionnel de la santé pour absorber les médicaments abortifs. En plus de l'avortement médicamenteux, la télémédecine a été utilisée pour simplifier d'autres domaines des soins liés à l'avortement.

Cette revue souhaite décrire le paysage réglementaire actuel de l'avortement par télémédecine aux États-Unis et les preuves cliniques en faveur de son utilisation. Nous nous concentrons sur l'avortement médicamenteux précoce au cours du premier trimestre. Bien que l'avortement autogéré utilise une grande partie de la même base de preuves, nous n'en discuterons pas explicitement et nous nous concentrerons seulement sur l'avortement par télémédecine dispensé par des systèmes de soins de santé.


LES MODELES DE TELEMEDECINE POUR L'AVORTEMENT MEDICAMENTEUX


Depuis l'introduction de la mifépristone aux États-Unis en 2000, son utilisation a été limitée par la Food and Drug Administration (FDA) par le programme d'évaluation et d'atténuation des risques (REMS). Jusqu'à ce que des changements soient apportés par la pandémie de COVID-19 en 2020, le REMS de la FDA exigeait qu'un prescripteur certifié délivre la mifépristone directement au patient en présentiel dans une clinique. Les premiers modèles de télémédecine ont été conçus pour se conformer au programme REMS. Risk Evaluation and Mitigation Strategy (REMS) Single Shared System for Mifepristone 200 mg FDA. 2023. Accessed May 17, 2023. https://www.accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/rems/Mifepristone_2023_03_23_REMS_Document.pdf

Avec les modifications apportées au REMS pendant la pandémie, lesquels ont permis l'envoi de mifépristone par la poste, en réponse à l'urgence de santé publique liée à la COVID-19, puis avec un adaptation pérenne du programme REMS à partir de 2023, l'utilisation de la télémédecine pour l'avortement médicamenteux s'est rapidement développée.


Le premier modèle américain de télémédecine pour l'avortement médicamenteux impliquant la télémédecine a commencé dans l'Iowa en 2008 et s'est étendu ensuite à plusieurs autres États américains. Grâce au modèle "clinique à clinique" les patientes pouvaient passer leurs tests pré-avortement dans une clinique éloignée de celle autorisée à fournir la mifépristone, suivre les conseils données par téléconsultation, puis se faire délivrer le médicament dans cette clinique. Cela a permis aux patientes de recevoir des soins dans un endroit plus proche de leur domicile et au prestataire de dispenser des avortements médicamenteux dans plusieurs sites en même temps.

L'observance du REMS était garantie par le fait que la mifépristone était conservée dans un tiroir verrouillé qui ne pouvait être ouvert qu'à distance par le médecin en téléconsultation avec la patiente. L'avortement médicamenteux par télémédecine de "clinique à clinique" s'est avéré aussi sûr que l'avortement médicamenteux en présentiel, et également bien accepté des patientes et des professionnels de santé. Des données plus récentes provenant de l'Alaska, de l'Idaho, du Nevada et de l'État de Washington ont de nouveau montré des résultats comparables pour ce modèle de télémédecine de "clinique à clinique" par rapport aux soins délivrés en présentiel. Cependant ce modèle obligeait toujours les patients à se rendre dans une clinique approvisionnée en mifépristone, ce qui limitait son accessibilité.


Le modèle du téléconseil gynécologique suivi de la distribution du médicament en présentiel. La pandémie de COVID-19 a nécessité des changements dans la prestation des soins de santé, y compris les soins d'avortement médicamenteux. Afin de minimiser les contacts en présentiel et de maintenir la distanciation sociale, les professionnels de santé se sont rapidement adaptés pour réduire le nombre et le type de consultations présentielles requises pour l'avortement médicamenteux. Dans une enquête menée auprès de 100 cliniques d'avortement indépendantes à travers les États-Unis, 87 % ont signalé un changement dans leurs pratiques cliniques pendant la pandémie à la COVID-19, dont 20 % ont commencé à offrir du téléconseil en matière d'avortement médicamenteux, suivi d'un retrait des médicaments au bord de la rue ou en présentiel. Une autre enquête menée auprès de 55 cliniques d'avortement du réseau de recherche clinique sur l'avortement de la Society of Family Planning a révélé que 71 % des cliniques ont commencé à intégrer la télémédecine dans leurs protocoles d'avortement médicamenteux en octobre 2020 et que 9 % d'entre elles offraient la délivrance des médicaments en bordure de rue. L'efficacité de l'avortement médicamenteux chez les femmes suivies par télémédecine ne différait pas de l'efficacité observée chez celles qui pratiquaient l'avortement médicamenteux en clinique et de celle chez les femmes qui pratiquaient l'avortement par télémédecine avec le retrait des médicaments en clinique. Cette augmentation de l'utilisation de la télémédecine s'est accompagnée d'une diminution des tests pré-avortement et post-avortement, dont il sera question plus loin dans cette revue.


Le modèle de l'avortement par télémédecine et l'envoi du médicament par la Poste. En mai 2016, Gynuity Health Projects a lancé le projet TelAbortion, la première étude d'avortement médicamenteux aux États-Unis proposant aux femmes un avortement médicamenteux par correspondance. Cette étude n'a pas fait l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché d'un nouveau médicament expérimental en raison de la nouvelle méthode d'administration de la mifépristone. Les participantes ont obtenu des tests pré-avortement dans leur communauté et ont eu une séance de téléconsultation programmée avec un professionnel de santé. Le consentement à la participation à cette étude était obtenu et les médicaments étaient envoyés par la Poste aux patientes si elles étaient éligibles au protocole de l'étude. La patiente prenait les médicaments à la maison à sa convenance et faisait un suivi par appel téléphonique après avoir observé l'achèvement de l'avortement par un test de grossesse urinaire, un test de gonadotrophine chorionique humaine (hCG) sérique ou une échographie.

Les données initiales ont montré une sécurité comparable à celle des avortements médicamenteux en présentiel. 93% des personnes éligibles à l'étude ont eu un avortement complet, sans autre intervention. Au fur et à mesure que l'étude se déroulait pendant la pandémie de COVID-19, avec l'expansion vers de nouveaux sites et le fait que de plus en plus de participantes n'avaient plus d'échographie pré-avortement, l'efficacité de l'avortement médicamenteux avec envoi par la Poste dans le cadre de TelAbortion est restée élevée à 95 %.

Raymond E, Chong E, Winikoff B, et al. TelAbortion: evaluation of a direct to patient telemedicine abortion service in the United States. Contraception. 2019;100:173–177.

Chong E, Shochet T, Raymond E, et al. Expansion of a direct-to-patient telemedicine abortion service in the United States and experience during the COVID-19 pandemic. Contraception. 2021;104:43–48.

En juillet 2020, la FDA a mis fin à l'exigence de distribution du médicament en présentiel, tel que l'exigeait le REMS, afin que la mifépristone puisse être envoyée par la Poste pendant l'urgence sanitaire liée à la COVID-19. Cela a permis à d'autres professionnels extérieurs à l'étude TelAbortion d'envoyer la mifépristone aux patientes par la Poste. La mise en œuvre de l'avortement médicamenteux par l'envoi direct aux patientes du médicament a d'abord été lente, avec seulement 4 % à 7 % des cliniques interrogées qui envoyaient de la mifépristone par la poste en 2020. Cette décision de la FDA a été suspendue en janvier 2021, interdisant à nouveau la délivrance de mifépristone par courrier. En avril 2021, la FDA a de nouveau annoncé qu'elle n'imposerait pas la distribution en présentiel de mifépristone  pendant une nouvelle vague de la pandémie. Enfin, en janvier 2023, la FDA a mis à jour son programme REMS et a supprimé définitivement l'exigence de délivrance en présentiel du médicament abortif. Un processus de certification aux pharmacies permettait aussi de délivrer la mifépristone dans les officines et par la Poste.

L'avortement par télémédecine avec l'envoi direct à la patiente de la mifépristone a augmenté au cours des dernières années, à la fois avec le modèle synchrone, similaire au process utilisé dans l'étude TelAbortion, c'est à dire avec une téléconsultation avec un professionnel, ainsi qu'avec le modèle asynchrone, où la patiente fournit des informations cliniques au service de télémédecine, lesquelles sont examinées par un professionnel avant que le médicament ne soit envoyé par la Poste.

Après la décision Dobbs de la Cour suprême des États-Unis,  entre la période allant de juin 2022 à décembre 2022, les avortements par télémédecine pratiqués par des cliniques ont augmenté de 137 %. Cependant, l'accès à l'avortement par télémédecine reste limité aux États où l'avortement reste légal. Quatorze États interdisent actuellement l'avortement et 5 États restreignent la télémédecine pour l'avortement médicamenteux. Par conséquent, la modification du REMS de la FDA n'a pas amélioré l'accès des femmes à ce mode d'avortement par télémédecine dans ces États.


LE PROCESSUS D'AVORTEMENT PAR TELEMEDECINE


L'avortement médicamenteux s'adapte facilement à la télémédecine, car il n'y a aucune raison médicale pour que la patiente prenne le médicament en présentiel. Les soins d'avortement médicamenteux consistent généralement en (1) la détermination de l'admissibilité à l'avortement médicamenteux, comprenant notamment la détermination de la durée gestationnelle, (2) l'obtention du consentement, la fourniture d'instructions et de conseils sur ce à quoi s'attendre, (3) la prise de mifépristone suivie de misoprostol 24 à 48 heures plus tard au domicile, et (4) un suivi pour vérifier que l'avortement est bien réalisé.  Chacune de ces étapes a été adaptée à la pratique de télémédecine, simplifiant ainsi et démédicalisant le process de l'avortement. Le conseil et le consentement à l'avortement médicamenteux par télémédecine sont les mêmes qu'en présentiel. De même, la patiente prend les médicaments de la même manière, quelle que soit la façon dont ils sont délivrés, bien que l'expérience de la patiente puisse différer considérablement lorsqu'elle peut éviter une visite à la clinique puisqu'elle est en mesure de compléter l'ensemble du process dans le confort et l'intimité de son domicile et selon son propre horaire.


Critères d'admissibilité à l'avortement médicamenteux

Les bilans gestationnels par échographie étaient courants aux États-Unis avant la pandémie de COVID-19. Toutes les patientes devaient recevoir de la mifépristone et le misoprostol à la clinique selon les recommandations du REMS, l'échographie faisant partie intégrante des soins d'avortement, bien que le REMS ne l'exigeait plus à partir de 2023. Au début de la pandémie, des cliniciens experts ont créé un protocole pour l'avortement médicamenteux, lequel supprimait les contraintes liées à l'examen physique, à l'échographie et aux tests de laboratoire, y compris le typage Rh, et explorait plutôt les questions à poser pour déterminer la durée gestationnelle, le risque de grossesse extra-utérine et d'autres contre-indications à l'avortement médicamenteux. Ce protocole de dépistage « sans test » ou basé sur les seuls antécédents est désormais utilisé par de nombreux professionnels de santé qui pratiquent l'avortement par télémédecine, y compris par la méthode asynchrone.


L'omission d'une échographie soulève la crainte que les femmes puissent avoir dépassé la durée gestationnelle légale pour être éligible à l'avortement médicamenteux. Cependant les femmes cherchant à avorter sont souvent en mesure de dater avec précision leur grossesse sur la base de la dernière date des règles. Une étude réalisé chez 4257 femmes a comparé l'estimation de l'âge gestationnel faite à l'aide de la date des dernières règles, d'un examen physique et d'une échographie. Seulement 2,4 % des participantes qui affirmaient être à < 63 jours par le calcul de la durée de leur aménorrhée avaient en fait une grossesse de > 63 jours à l'échographie, et seulement 0,6 % de celles dont l'âge gestationnel était de < 56 jours selon la date de leurs dernières règles étaient en fait à > 70 jours à l'échographie. De plus, l'avortement médicamenteux reste efficace au-delà de 70 jours de grossesse, en particulier avec le misoprostol, et les problèmes sont rares. Aussi, si une patiente sous-estime légèrement son âge gestationnel, elle a encore de fortes chances de réussir son avortement médicamenteux.

Early medical abortion without prior ultrasound. Raymond EG, Bracken H.Contraception. 2015 Sep;92(3):212-4. doi: 10.1016/j.contraception.2015.04.008. Epub 2015 Apr 24.PMID:25916975.

 

Le risque d'un retard du diagnostic d'une grossesse extra-utérine est l'autre question qu'il fallait résoudre avant de promouvoir l'avortement médicamenteux. Le taux de grossesse extra-utérine est faible chez les patientes qui ont subi un avortement quel que soit la méthode par rapport à la population générale des États-Unis.  La mifépristone et le misoprostol ne sont pas un traitement efficace en cas de grossesse extra-utérine, mais aucune preuve ne soutient que leur utilisation entraînerait des complications supplémentaires. Les patientes qui ont un avortement médicamenteux peuvent en fait avoir un diagnostic plus précoce de grossesse extra-utérine grâce à une évaluation clinique plus précoce par téléconsultation. La télémédecine peut ainsi réduire le délai de la première visite d'une patiente, et les questions posées peuvent entraîner une suspicion précoce de grossesse extra-utérine et diriger les patientes vers une échographie plus tôt dans la grossesse que si elles étaient en attente de soins obstétricaux.


Efficacité de l'avortement par télémédecine.

De nombreuses études ont examiné l'efficacité de l'avortement médicamenteux par télémédecine, défini comme les taux d'avortement complet. De même ont été précisés les taux de grossesse persistante ou la nécessité d'un avortement chirurgical. Dans toutes les études portant sur la durée gestationnelle, l'avortement par télémédecine s'est avéré efficace, avec des taux élevés d'avortement complet et de faibles taux d'intervention chirurgicale. L'efficacité est élevée chez les femmes qui reçoivent leurs médicaments par la Poste ainsi que chez celles qui viennent les chercher à l'hôpital ou à la clinique. L'avortement par télémédecine est le plus efficace à moins de 70 jours d'âge gestationnel, avec des taux d'avortement complet s'élevant à 90%. Les taux de grossesse persistante étaient faibles, de même que les taux d'intervention chirurgicale (de 0,9 à 6% selon les études). Ces résultats sont comparables à l'innocuité de l'avortement médicamenteux dont les médicaments sont fournis en présentiel.


Sécurité de l'avortement par télémédecine.

Plusieurs études ont examiné l'innocuité de l'avortement par télémédecine, avec comme indicateurs de risque les taux de transfusion sanguine, les taux d'admission à l'hôpital, de consultations non-programmées en clinique, ainsi que les taux d'infection. Aucun décès n'a été signalé comme étant attribuable à l'avortement par télémédecine. La télémédecine est sans danger chez les patientes, quelle que soit la durée de la gestation, avec des complications rares. Les taux de transfusion sanguine ont été très faibles (<1 %) et toutes les études ont rapporté des taux d'hospitalisation inférieurs à 1 %. Aucune grossesse extra-utérine n'a été rapportée dans les 2 études qui ont évalué ce risque.  Les taux d'infection déclarés étaient faibles, de 0,3 % à 0,5 %.


EXPERIENCE DES PATIENTES QUI ONT AVORTE PAR TELEMEDECINE


Le niveau d'acceptabilité

Des études utilisant des mesures qualitatives et quantitatives indiquent que l'avortement par télémédecine est très bien accepté chez les patientes, quel que soit le contexte. La grande majorité des études ont rapporté des taux de satisfaction des patients supérieurs à 90 %,et 2 études ont rapporté des taux de satisfaction de 100 %. La plupart des patientes recommanderaient le service d'avortement par télémédecine à une amie et 97,7 % ont déclaré qu'elles choisiraient ce service à l'avenir. Les patientes de plusieurs études ont déclaré qu'elles étaient satisfaites de leur expérience et de leur expérience du service de télémédecine. Des études ont rapporté que les patientes se sentaient plus à l'aise de poser des questions lors d'une téléconsultation en raison de la stigmatisation intériorisée ou anticipée de l'avortement qui aurait été exacerbée si elles avaient parlé en présentiel à un professionnel de santé. Ces résultats suggèrent que le fait d'avoir la possibilité d'un avortement par télémédecine peut offrir une expérience d'avortement plus confortable et acceptable pour certaines patientes.

Soins centrés sur la personne

Les soins centrés sur la personne sont un indicateur clé de la qualité des soins de santé et une mesure importante pour l'avortement par télémédecine.  Les études portant sur les soins centrés sur la personne ont utilisé ce cadre pour l'équité en matière de santé génésique (ou de régulation de la fertilité), qui met en évidence 8 domaines : la vie privée et la confidentialité, la communication, l'environnement des établissements de santé, l'autonomie, le soutien social, les soins de soutien, la confiance et la dignité.


COMMENTAIRES. En France, les médecins généralistes et sage-femmes de ville, ayant acquis une qualification universitaire en gynécologie, peuvent prescrire les médicaments de l'IVG après avoir passé une convention type avec un établissement de santé public ou privé autorisé à réaliser des IVG. Cette convention peut être également conclue entre un centre de planification ou d'éducation familiale (renommée centre de santé sexuelle) ou un centre de santé, avec un établissement de santé. Certaines sociétés de téléconsultation ont créé des centres de santé les rendant éligibles à réaliser des téléconsultations pour IVG médicamenteuse pilotées par des médecins qualifiés. En ville, l'IVG médicamenteuse peut être réalisée, hors milieu hospitalier, jusqu'à 7 semaines de grossesse ou 9 semaines d'aménorrhée (https://www.ameli.fr/cotes-d-armor/medecin/exercice-liberal/prise-charge-situation-type-soin/ivg-medicamenteuse). Plusieurs téléconsultations peuvent être réalisées au cours du parcours de soins conduisant à l'IVG médicamenteuse. La HAS a élaboré en janvier 2023 des recommandations de bonnes pratiques et d'organisation du parcours de soins pour une IVG médicamenteuse (https://ivg.gouv.fr/sites/ivg/files/2023-02/Guide%20Pro%20IVG%20medicamenteuse.pdf). Dans l'organisation du parcours de soins, la HAS précise les différentes étapes à suivre, dont l'information sur les bénéfices et les risques de l'IVG médicamenteuse, le recueil de consentement qui peut être dématérialisé en cas de téléconsultation, l'entretien psychosocial (obligatoire pour les femmes mineures). Il n'y a plus de délai de réflexion depuis la loi du 2 mars 2022.

La revue américaine  de la littérature médicale scientifique montre que l'IVG médicamenteuse par téléconsultation est aussi efficace et de même niveau de sécurité que le soin en présentiel. De plus, ce mode d'IVG médicamenteuse à distance est jugé acceptable par 100% des femmes concernées dans plusieurs études. La revue de la littérature montre que le parcours de soins de l'IVG médicamenteuse peut être simplifiée par la téléconsultation, en particulier les prétests de grossesse et l'échographie. La France conserve cependant un parcours plus complexe que celui qui prévaut aujourd'hui aux Etats-Unis.

Ce nouveau cas d'usage de la téléconsultation montre que la médecine "hybride" se construit en gynécologie/obstétrique, alternant les soins distanciels et les soins présentiels. L'expérience des patientes pour une telle pratique est intéressante à recueillir pour évaluer le service médical rendu. Comme on l'a constaté dans d'autres indications de la téléconsultation qui sont nées au cours de la pandémie, notamment en santé mentale, les patientes se sentent plus à l'aise à demander l'IVG médicamenteuse en distanciel qu'en présentiel.


9 décembre 2023