Les Facultés de Médecine passent à la vitesse supérieure pour former les étudiants à la santé numérique


L'interview de Florence Donnarel dans le journal Libération du 27 novembre 2023 de deux universitaires leaders de la Santé numérique et de la Télésanté, le Professeur Thierry MOULIN, Doyen de la Faculté de médecine de Besançon et le Professeur Maurice HAYOT, Directeur de l'Ecole de Santé Numérique à la Faculté de Montpellier, fait la lumière sur la stratégie de formation adoptée par les facultés françaises de médecine à compter de 2024 pour acculturer les étudiants en santé à la Santé numérique et aux pratiques de Télésanté..

Ils sont tous les deux membres de notre Think Tank.


https://www.liberation.fr/forums/formation-au-numerique-en-sante-les-facultes-de-medecine-passent-a-la-vitesse-superieure-20231127_65PCFF7SVJEFZNN6EXXLEHYL5I/?outputType=amp



Quels sont les outils numériques en santé ? Comment exploiter les données pour l’évaluation et la recherche ? Comment interagir avec un patient à distance ?


A la rentrée 2024, le numérique fera son apparition au programme du premier cycle des études de santé ainsi qu’au sein des formations paramédicales universitaires. Une suite logique ; les facultés et les UFR de médecine ayant commencé en 2019 à enseigner la santé digitale aux étudiants en deuxième cycle (4e à 6e année). Il fallait aller vite et former les médecins proches de leur entrée sur le marché du travail.

Les facultés ont-elles mis trop de temps à s’emparer du sujet dans sa totalité ? En 2016, Pierre Simon, médecin néphrologue, président fondateur de la Société française de télémédecine, exhortait les universités à accélérer l’enseignement de l’e-santé https://telemedaction.org/422016875/que-fait-donc-la-fac.

C’est chose faite avec l’arrêté du 10 novembre 2022 relatif à la «formation socle au numérique en santé» au niveau de la licence https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046548689. Nourrissant l’ambition de faire de la France le leader mondial dans la santé digitale, le gouvernement investit (enfin) dans la formation. «L’enseignement de vingt-huit heures est organisé autour de deux grands piliers : les données de santé d’une part, avec les questions de gestion et de cybersécurité, et la télémédecine d’autre part», explique Thierry Moulin, professeur de neurologie au CHU de Besançon et doyen de la faculté de médecine de Franche-Comté qui expérimente le dispositif socle depuis la rentrée 2022.

Ces fondamentaux, les étudiants en médecine les approfondiront lors du deuxième et troisième cycle. Certains pourront aussi mener en parallèle un master à dominante scientifique, par exemple en sciences et génie des matériaux ou en génétique. «Les futurs médecins sont aussi familiarisés avec la réalité virtuelle dans les centres de simulation en santé où ils se forment aux gestes techniques. Ils peuvent s’entraîner sur des cadavres, des animaux ou… des robots», précise le spécialiste.


«C’est le Far West»


En troisième cycle, des enseignements transversaux universitaires et ceux liés aux spécialités (robotique en chirurgie, télésurveillance en cardiologie, télé dermatologie, télé neurologie…) complètent le dispositif d’une télémédecine clinique. «Certaines universités vont plus loin que ce que demande l’arrêté de 2022», souligne Thierry Moulin qui a aussi la charge de la santé numérique au sein de la conférence des doyens de médecine. C’est le cas de Montpellier où le professeur Maurice Hayot, responsable du service physiologie clinique, a lancé l’Ecole de santé numérique (ESNbyUM). A la rentrée 2024, dans un campus dématérialisé interdisciplinaire, elle formera tous les acteurs de l’e-santé, incluant étudiants en santé mais aussi spécialistes du digital, dirigeants de structure médico-sociales, juristes…

Son offre de formation continue viendra s’inscrire dans un paysage complexe. «C’est le Far West. A côté des universités proposant des formations courtes de type diplôme universitaire (DU), des collèges de spécialités et des centres de simulation, de trop nombreuses officines privées se sont positionnées sur ce marché juteux. A la conférence des doyens, nous travaillons sur une charte qualité pour mieux encadrer l’offre», précise Thierry Moulin.

Quels sont les autres enjeux de l’enseignement de l’e-santé ? L’interdisciplinarité reste fondamentale avec le regard croisé des médecins et des enseignants de sciences humaines et sociales (éthique, psychologie, juridique…) complété ensuite de l’approche des mathématiciens, des informaticiens ou des électroniciens. «Il faut aussi éviter d’être dans la course au transhumanisme, conclut le doyen de l’université de Franche-Comté. La technique doit rester un outil : il faut garder le cap qui est l’humain.


28 novembre 2023