Les cas d'usage de la télésanté dans la prise en charge des patients atteints d'obésité

L'obésité est une maladie chronique qui progresse sur tous les continents. Son taux de prévalence dans la population française progresse régulièrement depuis plus de 20 ans. De 8,5% en 1997, la prévalence de l'obésité en France (index de masse corporelle ou IMC =/>30 kg/m2) est de 17% en 2019. Cette maladie chronique a fait émerger une nouvelle spécialité médicale, la bariatrie.

La prévalence de l’obésité très sévère, IMC > 40 kg/m². concernait en 2006 1,3% des femmes et 0,7% des hommes.  En 2016, elle touchait 2,1% des femmes et 1% des hommes, soit plus de 500 000 personnes adultes. Cette progression explique que le nombre d'interventions chirurgicales bariatriques soit passé de 20 000 en 2006 à près de 70 000 en 2019.

Près de 45% des citoyens français sont en surpoids (IMC de 25 à 29kg/m2). La pandémie à la Covid-19 a révélé que le surpoids et l'obésité faisaient partie des facteurs de risque des formes graves de la maladie virale. L'obésité est liée aux inégalités sociales : dès l’âge de six ans, les enfants d’ouvriers sont 4 fois plus touchés que les enfants de cadres par le surpoids. 

Chez les enfants, après une forte croissance avant la mise en place du premier plan obésité en 2010, on observe une tendance à la stabilisation, voire à une légère réduction de la prévalence du surpoids et de l’obésité, avec toutefois de fortes différences liées aux inégalités sociales et territoriales : en 2015, 16,9% des enfants étaient en surpoids, dont plus de 3% en situation d'obésité. Une récente étude relève que la part des adolescents obèses est passée de 3,8% en 2009 à 5,2% en 2017.

Les inégalités territoriales sont importantes. Dans la plupart des départements et collectivités d’Outre-mer, la prévalence de l’obésité et des pathologies associées est plus élevée qu'en métropole. La contribution des précédents plans, le plan obésité (PO) 2010-2013, articulé avec le Programme National Nutrition Santé (PNNS), a été efficace en termes de prévention et d’organisation des soins pour l’Outre-mer.

L’augmentation du recours à la chirurgie de l’obésité est constante depuis quelques années, 3 fois plus en 10 ans. Or, les techniques chirurgicales ne doivent concerner que des obésités sévères réunissant un ensemble de conditions. La chirurgie bariatrique représente désormais 23% des actes de chirurgie viscérale et digestive dans le secteur privé lucratif et 8% dans le secteur public.

La prise en charge médicale de l’obésité apparaît encore insuffisamment structurée en dehors du secteur hospitalier. L’obésité est un facteur de risque majeur pour les pathologies chroniques les plus fréquentes comme les maladies cardio-vasculaires, le diabète de type 2, divers types de cancer, la stéato-hépatite non alcoolique, le syndrome des apnées obstructives du sommeil, l'arthrose, etc. Les conséquences psychologiques et sociales (notamment mésestime de soi, dépression, stigmatisation) peuvent être majeures.

La stratégie nationale de santé (SNS), adoptée en 2017, comporte quatre axes : 1) mettre en place une politique de promotion de la santé, incluant la prévention, dans tous les milieux et tout au long de la vie, 2) lutter contre les inégalités sociales et territoriales d’accès à la santé, 3) garantir la qualité, la sécurité et la pertinence des prises en charge, 4) innover pour transformer notre système de santé en réaffirmant la place des citoyens.

La feuille de route « Prise en charge de l’obésité 2019-2022 » s’intègre dans les axes 2, 3 et 4 de la SNS et le chantier 4 de « Ma santé 2022 ». Ce dernier a pour objectifs la définition d’un parcours, l’élaboration de messages « pertinence » et le développement d’indicateurs sur la qualité du parcours pour une dizaine de maladies chroniques, dont l’obésité.

Les pratiques de télésanté dans l'accompagnement des personnes en surpoids

Les adultes en surpoids disposent aujourd'hui de nombreuses solutions numériques pour les aider à réduire l'excès de poids : le running avec les applications mobiles sur smartphone, les séances de fitness en ligne (ou en salle), l'accompagnement alimentaire par télésoin diététicien, etc. Les campagnes publicitaires sont nombreuses pour sensibiliser la population française au problème du surpoids.

Le surpoids est souvent associé à d'autres maladies chroniques comme l'hypertension artérielle, l'apnée du sommeil, l'asthme, le syndrome métabolique associant dyslipidémie et intolérance au glucose. Le médecin généraliste traitant s'engage dans l'accompagnement de ses patients en surpoids. Il confie l'éducation alimentaire à une diététicienne, l'éducation thérapeutique (ETP) aux infirmiers et aux pharmaciens formés en ETP. Le médecin traitant a pris l'habitude d'inscrire dans le dossier médical les indicateurs que la personne collecte sur son smartphone à partir de plusieurs applications dédiées à l'activité physique et au comportement alimentaire, indicateurs qui aident le médecin traitant dans la surveillance médicale.

Les programmes d'ETP de premier recours sont conduits par des équipes intégrant le médecin généraliste traitant, un nutritionniste (DESC de nutrition), un diététicien, un pharmacien, un infirmier, etc. Pour prévenir le stade de l'obésité, la prise en charge du surpoids doit être précoce en permettant aux patients d'être proactifs pour protéger leur santé. 

Le diététicien et le pharmacien sont autorisés à pratiquer l'ETP et à utiliser le télésoin en complément des consultations en présentiel. La téléconsultation programmée des personnes en surpoids peut faire partie des cas d'usages de la télémédecine en soin primaire en alternance avec les consultations présentielles (http://www.telemedaction.org/445927281). Pour les comorbidités associées à cette maladie chronique, le médecin traitant développera des actes de téléexpertise avec les correspondants spécialistes impliqués dans la prise en charge de cette maladie (endocrino-diabétologue, cardiologue, gastroentérologue, pneumologue, néphrologue) (http://www.telemedaction.org/page:A020F76F-D0B0-482F-B9F5-D57AF3B18122"text-align: justify; padding: 0px 0px 22px; margin-bottom: 0px; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; line-height: 1.2; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: none solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">Les pratiques de télésanté dans le parcours de soin des personnes obèses

Les recommandations de la haute autorité de santé (HAS) sur les indications et contre-indications de la chirurgie bariatrique chez l'adulte obèse sont anciennes. Le lecteur peut se référer à ce document complet, publié en 2009, mais toujours d'actualité. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2011-12/recommandation_obesite_-_prise_en_charge_chirurgicale_chez_ladulte.pdf

Les recommandations ont été toutefois réactualisées après le rapport Igas de 2016 dans la feuille de route 2019-2022 pour l'obésité, publiée par le Ministère de la santé, la DGS et la CNAMhttps://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/feuille_de_route_obesite_2019-2022.pdf 

Nous voulons évoquer ici les cas d'usage de la télémédecine et du télésoin chez l'adulte obèse dans le cadre de la feuille de route 2019-2022. Ces nouvelles pratiques à distance viennent compléter la prise en charge en présentiel et peuvent améliorer la coordination du parcours de soin de l'obèse par le médecin traitant et/ou un centre spécialisé de l'obésité (CSO) pour les cas les plus sévères.

Le chemin clinique du patient obèse vise à mettre en place un processus de prise en charge qui puisse être évalué et reproductible pour tous les patients concernés par cette maladie afin de réduire le risque de pertes de chance. Il est particulièrement difficile à construire, sachant que de nombreux professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, interviennent dans le parcours du patient obèse. Les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) et les PTA (plateformes territoriales d'appui) ont un rôle à jouer dans la coordination des parcours en lien avec les médecins traitants.

L'intérêt des pratiques de téléconsultation programmées ou non programmées chez ces patients a été souligné pendant la pandémie à la Covid-19 pour les protéger de la contamination virale, cette population ayant payé un lourd tribut dans la plupart des pays développés.

Avant la prise de décision d'une chirurgie bariatrique, l'adulte obèse suit un parcours de soin pluridisciplinaire gradué. Pas moins de 17 professions médicales et paramédicales sont engagées dans ce parcours: chirurgien, endocrinologue-diabétologue, nutritionniste, diététicien, psychologue et psychiatre, infirmier et infirmière diplômés d'Etat et/ou spécialisés en pratique avancée (IPA) pour les patients atteints de maladies chroniques (http://www.telemedaction.org/page:393F755A-0781-4CF5-8BB9-B0970BD48CA8"445654517.html" style="padding: 0px; text-align: justify; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: underline solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">http://www.telemedaction.org/445654517, http://www.telemedaction.org/445748795).

Le parcours de soin gradué du patient obèse a trois niveaux de recours. Les pratiques de télésanté ont forcément leur place, d'autant que les différents recours s'adressent parfois à des patients à mobilité réduite pour qui les soins en ligne peuvent être un avantage pour leur qualité de vie sociale. Le premier recours de proximité concerne le médecin traitant et l'équipe paramédicale qu'il anime. Le deuxième recours relève de la prise en charge spécialisée au niveau territorial ou infrarégional. Le troisième recours concerne les compétences du CSO au niveau régional ou interrégional.

Dans la prise en charge des patients en premier recours les pratiques de télémédecine et de télésoin ont toute leur place. Nous en donnons quelques exemples.

S'agissant d'une maladie chronique, le médecin traitant peut alterner les consultations présentielles avec des téléconsultations programmées, d'autant plus justifiées que les patients sont handicapés et à mobilité réduite. A ce stade de la maladie, le médecin traitant doit coordonner les différentes interventions spécialisées sur la base d'un chemin clinique reproductible.

Si la consultation spécialisée en présentiel ne fait pas débat lorsqu'il est demandé d'évaluer, avant de proposer la chirurgie bariatrique, les risques cardio-vasculaires et psychiatriques de l'intervention, la préparation à cette intervention pendant plusieurs mois peut justifier des prises en charge en ligne : téléconsultation psychologique (http://www.telemedaction.org/440946860), télésoin infirmier (http://www.telemedaction.org/444474535), télésoin pharmaceutique (http://www.telemedaction.org/444440189), télésoin de masso-kinésithérapie (http://www.telemedaction.org/446173613).

Dans la prise en charge des patients en deuxième recours, ce sont les médecins nutritionnistes et des autres spécialités concernées qui interviennent, d'abord en consultation présentielle, puis ensuite par téléconsultation assistée du médecin traitant ou d'une IPA ou du pharmacien. Les établissements de santé assurent également la prise en charge des patients atteints d’obésité en lien avec les établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR) spécialisés en « affections digestives, métaboliques et endocriniennes ».

Outre les organisations de télésanté mises en place au premier recours, le médecin traitant doit coordonner les interventions spécialisées en deuxième recours en s'appuyant sur un chemin clinique recommandé par la HAS et les sociétés médicales savantes. Tout chemin clinique structurant le parcours d'une maladie chronique doit pouvoir être évalué. Les pratiques de télémédecine au deuxième recours sont la téléconsultation programmée et assistée, et surtout la téléexpertise asynchrone pour le médecin traitant (http://www.telemedaction.org/446370112) ainsi que les téléexpertises synchrones ou asynchrones entre la dizaine de spécialistes médicaux et chirurgicaux concernés par le chemin clinique de l'adulte obèse. 

La prise en charge des patients au troisième recours relève des CHU et des CSO en lien avec les SSR spécialisés dans l'obésité. Un CSO anime la filière obésité au niveau régional, en coordination avec la ville pour la prise en charge des cas sévères et complexes. Le CSO assure la structuration de l’offre de soins sur le territoire et assurer l’animation de la filière ville-hôpital-médico-social et de ses 3 composantes (médicale, chirurgicale et pédiatrique). Le CSO assurer la coordination et le suivi des patients atteints d’obésité sévère (avec ou sans intervention chirurgicale) en lien avec les CPTS et les PTA ou autre structure de coordination régionale.

Les pratiques de télésanté, à ce troisième niveau de soins, permettent d'éviter certains déplacements évitables et confortent la filière de soin intrarégionale, notamment pour la prise en charge de cette maladie rare qu'est l'obésité sévère de l'enfant. Les téléconsultations spécialisées programmées évitent la rupture familiale ou raccourcissent les temps d'hospitalisation.  

Les pratiques de télésanté dans le suivi à vie d'un opéré bariatrique

Un patient obèse qui a subi une chirurgie bariatrique doit être suivi durant toute sa vie, comme un patient qui a subi une transplantation d'organe. Les patients sont très attachés au chirurgien bariatrique qui a réalisé l'intervention (http://www.telemedaction.org/444996417).

Le suivi de ces patients se fait principalement au domicile. La première année est très importante car le patient doit pouvoir signaler au chirurgien l'évolution du poids, l'adaptation à la nouvelle discipline alimentaire et toute anomalie fonctionnelle digestive post-opératoire. 

La participation du patient à sa propre surveillance est un élément clé du succès de l'intervention. L'aptitude psychologique du patient à subir les conséquences de l'intervention bariatrique et à s'engager dans le suivi à vie est une condition essentielle à la prise de décision chirurgicale. Le chirurgien bariatrique peut-être désormais aidé du CSO régional pour cette prise de décision. A l'instar de ce qui se fait en oncologie dans le suivi des rémissions post-chimiothérapie, des plateformes web sont proposées aux patients pour qu'ils remplissent régulièrement les informations cliniques qui permettent au chirurgien de suivre l'évolution post opératoire. Ces plateformes permettent aussi d'informer le patient en préopératoire. (https://www.abcd-chirurgie.fr/patients/chirurgie-de-l-obesite/qu-est-ce-que-la-chirurgie-bariatrique.html).

Le chirurgien bariatrique a également la possibilité de réaliser des téléconsultations programmées en complément de ce suivi par internet. De nombreux chirurgiens ont découvert cette pratique consultation en ligne pendant le confinement lié à la Covid-19. Ils poursuivent cette pratique dans le post-Covid-19. Le chirurgien peut être aussi aidé d'une IPA spécialisé dans le suivi de cette maladie chronique. L'IPA pourra réaliser ce suivi par télésoin programmé ou non.

30 août 2020

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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