Preuves scientifiques sur les obstacles et les facteurs de réussite dans la mise en oeuvre de la télémédecine chez les patients atteints de diabète et d'hypertension.


Le diabète de type 1 ou de type 2 et l'hypertension artérielle représentent les maladies chroniques qui touchent le plus grand nombre de personnes à travers le monde. L'accès aux soins pourrait être amélioré par la télémédecine. Il est cependant nécessaire de connaître les facteurs de réussites et les obstacles à surmonter dans la mise en oeuvre de ces soins distanciels. Une équipe canadienne présente la première revue scientifique de la littérature médicale sur les facteurs de mise en oeuvre de la télémédecine dans une population atteinte de diabète et d'hypertension artérielle. Nous présentons dans ce billet leurs résultats et les recommandations qu'ils proposent.


Implementation Science Perspectives on Implementing Telemedicine Interventions for Hypertension or Diabetes Management: Scoping Review. Khalid A, Dong Q, Chuluunbaatar E, Haldane V, Durrani H, Wei X.J Med Internet Res. 2023 Mar 14;25:e42134. doi: 10.2196/42134.PMID:36917174.


CONTEXTE


Les maladies non transmissibles (MNT), telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer et les maladies respiratoires, sont parmi les principales causes de décès et d'invalidité dans le monde. Au total, 41 millions de décès dans le monde sont attribués aux maladies non transmissibles chaque année, dont la moitié (20 millions) à l'hypertension artérielle et au diabète. Les maladies non transmissibles contribuent également à une charge de morbidité mondiale considérable, avec des millions de personnes vivant avec une hypertension souvent non diagnostiquée, non traitée ou mal gérée, un diabète ou les deux ensemble. D'ici 2030, le nombre de personnes souffrant d'hypertension artérielle et de diabète devrait atteindre respectivement 1,6 milliards et 643 millions.

Il y a eu un élan mondial ambitieux pour s'attaquer au fardeau croissant de l'hypertension et du diabète. Les objectifs fixés lors de la 75e Assemblée mondiale de la Santé en 2022 visent à diagnostiquer 80 % des personnes vivant avec un diabète et à aider 80 % de ces personnes à bien contrôler leur tension artérielle.

Seventy-fifth world health assembly – daily update: 27 May 2022. World Health Organization. 2022. May 27, [2022-06-17]. https://www.who.int/news/item/27-05-2022-seventy-fifth-world-health-assembly---daily-update--27-may-2022 .


Cependant, l'atteinte de tels objectifs est difficile à bien des égards. Le diagnostic, la prise en charge et le traitement de l'hypertension et du diabète sont souvent longs et coûteux. L'accès aux soins et les moyens de les payer sont souvent difficiles pour les patients et leurs familles. La prestation de soins de haute qualité fait également appel à des ressources considérables du système de santé, tant dans les pays à faibles ressources que dans ceux à ressources élevées. De plus en plus, on diagnostique simultanément l'hypertension et le diabète, ce qui complique davantage la prise en charge et le traitement.


La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nécessité de services de santé innovants pour soutenir le nombre croissant de personnes atteintes de MNT. La pandémie a perturbé les activités de prévention et les soins de l'hypertension et du diabète, exacerbant le fardeau actuel de la maladie et les besoins de traitement non satisfaits. Des soins optimaux pour l'hypertension et le diabète nécessitent des contacts réguliers avec les professionnels de santé pour le dépistage, l'éducation, l'examen et le renouvellement des médicaments, la gestion des complications et le soutien en santé mentale, entre autres.

Les confinements prolongés, le stress, l'augmentation du travail à domicile et l'insécurité alimentaire croissante ont augmenté le risque de MNT et de leurs séquelles en raison d'une nutrition compromise, d'une activité physique limitée et d'un accès perturbé aux soins. Il y a donc un besoin urgent d'une prestation de services innovante de lutte contre les MNT et d'une compréhension objective des éventuels obstacles à leur mise en œuvre.

L'une de ces innovations est la télémédecine. Déjà, la télémédecine est utilisée pour gérer et traiter efficacement les patients atteints d'hypertension, de diabète ou des deux dans des contextes à faibles ou à ressources élevées. La pandémie de COVID-19 a accéléré l'adoption de la télémédecine pour la prestation de services de santé de routine. Compte tenu de son coût relativement faible et de ses succès antérieurs, la télémédecine est une approche prometteuse et équitable pour améliorer l'accès aux soins et en assurer la continuité dans les pays à faibles ou à fortes ressources.


OBJECTIFS ET METHODES


Objectifs :

Les études existantes ont identifié les caractéristiques qui peuvent rendre les interventions de télémédecine plus efficaces pour fournir des soins aux personnes souffrant d'hypertension ou de diabète. Cependant, peu d'entre elles ont donné un aperçu des défis liés à la mise en œuvre de ces interventions de télémédecine. À notre connaissance, aucune étude à ce jour n'a adopté une démarche scientifique pour examiner la mise en oeuvre de ces interventions de télémédecine. Ainsi, à l'aide d'une perspective de recherche sur la mise en œuvre, nous avons synthétisé les données probantes actuellement disponibles dans la littérature scientifique médicale sur les obstacles et les facilitateurs à la mise en œuvre d'interventions de télémédecine pour gérer l'hypertension, le diabète ou les deux à la fois.


Méthode.

Le cadre conceptuel.

La science de la "mise en œuvre" cherche à comprendre comment les interventions des services de santé sont appliquées et prises en compte dans des contextes réels. Des perspectives théoriques ont été utilisées pour mieux comprendre comment et pourquoi la mise en œuvre réussit ou échoue.

Dans cette revue, nous avons utilisé le Cadre consolidé pour la recherche sur la mise en œuvre (CFIR) pour organiser l'extraction des données et synthétiser nos résultats. Le CFIR fournit une structure normalisée pour agréger les résultats provenant de contextes multiniveaux dans diverses disciplines. Le CFIR est composé de 39 concepts liés à la mise en œuvre, répartis en 5 grands domaines : les caractéristiques de l'intervention, le cadre extérieur, le cadre intérieur, les caractéristiques des individus impliqués et le processus de mise en œuvre.

Damschroder LJ, Aron DC, Keith RE, Kirsh SR, Alexander JA, Lowery JC. Fostering implementation of health services research findings into practice: a consolidated framework for advancing implementation science. Implement Sci. 2009 Aug 07;4:50. doi: 10.1186/1748-5908-4-50. https://implementationscience.biomedcentral.com/articles/10.1186/1748-5908-4-50 .1748-5908-4-50.

Notre étude a suivi la méthode des 5 étapes décrite par Arksey et O'Malley.

Arksey H, O'Malley L. Scoping studies: towards a methodological framework. Int J Social Res Methodol. 2005 Feb;8(1):19–32. doi: 10.1080/1364557032000119616. 

Nous avons également suivi les lignes directrices décrites dans la liste de contrôle PRISMA-ScR (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses extension for Scoping Reviews) pour sélectionner et classer les études.


Sources d'information, critères d'admissibilité et sélection des études

Nous avons effectué des recherches documentaires dans 5 bases de données – Ovid MEDLINE, Embase, CINAHL, Cochrane Library et Web of Science – ainsi que dans Google Scholar. La stratégie de recherche a été élaborée avec l'aide d'un bibliothécaire.

Nous avons inclus des études décrivant une intervention de télémédecine pour la prise en charge de l'hypertension, du diabète ou des deux, faisant état des obstacles et des facilitateurs à la mise en œuvre, publiées entre 2017 et 2022 (car les technologies de l'information et de la communication évoluent rapidement) et en langue anglaise.

Nous avons défini l'hypertension comme une pression élevée persistante dans les vaisseaux sanguins. Nous avons défini le diabète comme des niveaux élevés de glucose dans le sang, y compris le diabète de type 1, de type 2 et le diabète gestationnel. Compte tenu de notre objectif d'explorer les obstacles et les facilitateurs à la mise en oeuvre, nous n'avons pas restreint les études en fonction des résultats de cette mise en œuvre. Nous avons exclu les études qui ne répondaient pas aux critères d'inclusion ou qui étaient des éditoriaux, des commentaires, des articles d'opinion ou des revues de littérature.

Après la suppression des doublons, un processus d'examen manuel en 2 étapes a été mené.

Au cours de la première étape, 3 membres de l'équipe (AK, QD et EC) ont examiné indépendamment les titres et les résumés des études récupérées. L'équipe a ensuite procédé à un examen complet des études admissibles. À ce stade, 2 membres de l'équipe (AK, QD ou EC) ont examiné indépendamment les textes complets et ont exclu ceux qui ne répondaient pas aux critères d'éligibilité. Tout désaccord était résolu par le troisième membre de l'équipe. L'équipe a procédé à une vérification supplémentaire du texte intégral des études incluses pour s'assurer que les critères d'admissibilité étaient strictement respectés. Les études pour lesquelles il n'a pas été possible d'extraire des rapports en texte intégral à l'aide de bases de données Web ou de recherches dans les bibliothèques ont été exclues.

Au cours de la deuxième étape, nous avons résumé les obstacles et les facilitateurs communs à la mise en œuvre dans les études retenues en fonction des 5 principaux domaines du cadre du CFIR : les caractéristiques de l'intervention, le cadre extérieur, le cadre intérieur, les caractéristiques des individus et le processus.


RESULTATS


Résultats de la recherche.

La recherche initiale a permis d'identifier 17 687 articles, dont 7 594 (42,94 %) ont été retirés en tant que doublons, et 9 106 (90,22 %) ont ensuite été exclus sur la base de l'examen des titres et des résumés parmi les 10 093 études. Nous avons procédé à une sélection en texte intégral de 987 articles, dont 952 (96,5 %) ne répondaient pas à nos critères, ce qui a donné lieu à seulement 35 (3,5 %) études à inclure dans notre travail.


Caractéristiques de notre revue.

Les régions et les groupes de revenus des pays ont été basés sur les classifications de 2022 de la Banque mondiale. Nous avons constaté que presque toutes les études (32/35, 91 %) ont été menées dans des pays à revenus élevés, la plupart d'entre elles (14/35, 40 %) aux États-Unis. Sur les 35 études, seules 3 (9 %) ont été menées dans des pays à revenus faibles ou intermédiaires. La plupart des études avaient des modèles qualitatifs (15/35, 43 %), rapportaient les points de vue des patients (20/35, 57 %) et se concentraient sur les soins du diabète (29/35, 83 %). Au total, 46 % (16/35) des interventions de télémédecine ont été administrées à l'hôpital, 20 % (7/35) ont été administrées en communauté ou à domicile et 14 % (5/35) ont été administrées dans les milieux de soins primaires. La plupart des études (18/35, 51 %) visaient à soutenir l'autosurveillance par les patients.

Régions d'étude : Amérique du Nord (États-Unis et Canada), Europe et Asie centrale (Royaume-Uni, Autriche, Pays-Bas, Norvège, Suède et Italie), Asie de l'Est et Pacifique (Australie, Malaisie et Cambodge), Moyen-Orient et Afrique du Nord (Arabie Saoudite), Afrique subsaharienne (Ethiopie).

Niveaux de revenus :  pays à revenus élevés, pays à revenus faibles et intermédiaires.

Conception de l'étude : qualitatif, transversale, méthodes mixtes, essai contrôlé randomisé, autre.

Point de vue rapporté : patients seulement, professionnels de santé seulement, patients et professionnels de santé.

Objectif de l'intervention sur la maladie : diabète seulement, hypertension uniquement, diabète et hypertension ensemble.

Modalités d'intervention : appli pour smartphone, messagerie texte SMS, site sur le Web, appel téléphonique ou messagerie vocale, matériel médical (téléophtalmologie ou glucomètre)

But de l'intervention : autosurveillance, changement de comportement ou éducation, consultation, autres (téléophtalmologie, observance thérapeutique ou soins en équipe)

Administration de l'intervention : hôpital, communauté, clinique de soins primaires, université, domicile, non signalé.


Interventions de télémédecine.

Les études incluses ont fait état de plusieurs modalités d'intervention pour l'hypertension et/ou le diabète, notamment des applications pour téléphones intelligents (13/35, 37 %), la messagerie texte SMS (10/35, 29 %), le Web (7/35, 20 %), les appels téléphoniques ou la messagerie vocale (7/35, 20 %) et l'équipement médical (3/35, 9 %).


Résultats sur la mise en oeuvre.

Les obstacles sont liés aux coûts, aux besoins et aux ressources des patients (p. ex., le manque de considération en besoins linguistiques, du niveau culturel, du lieu de résidence rurale) et aux caractéristiques personnelles des patients (p. ex., les caractéristiques démographiques et les priorités) étaient les obstacles les plus couramment signalés.

Les facilitateurs sont liés à la conception et à la présentation de l'intervention (p. ex., convivialité), aux besoins et aux ressources des patients (p. ex., information personnalisée tirant partie des forces existantes), au climat de mise en œuvre (p. ex., intervention intégrée à l'infrastructure existante), à la connaissance et aux croyances à l'égard de l'intervention (p. ex., commodité de la télémédecine) et à d'autres attributs personnels (p. ex., littératie technique) étaient les facilitateurs les plus couramment signalés.


DISCUSSION ET CONCLUSION


Discussion.

Principales constatations.

Cette étude a utilisé une méthode scientifique sur la mise en œuvre d'un projet pour identifier les obstacles et les facilitateurs de la mise en œuvre d'interventions de télémédecine dans les soins de l'hypertension artérielle et/ou du diabète.

Nos résultats fournissent des informations importantes sur les facteurs qui devraient être pris en compte pour améliorer la mise en œuvre de la télémédecine chez les patients atteints de diabète et/ou d'hypertension.

Dans le domaine des caractéristiques de l'intervention, les interventions conçues de manière simple et conviviale et les données automatisées centralisées ont le plus souvent été des éléments facilitateurs de la mise en œuvre. En revanche, les interventions qui étaient coûteuses pour l'organisme qui assurait la mise en œuvre ou pour les patients étaient des obstacles.

Dans le domaine de l'environnement extérieur, les interventions de télémédecine étaient généralement mises en œuvre avec succès si elles tenaient compte de l'environnement contextuel et social des patients, par exemple lorsqu'il existait une réelle compétence technologique des patients. A l'inverse, les interventions qui ne tenaient pas compte des besoins des patients, notamment des compétences linguistiques ou technologiques, étaient difficiles à mettre en œuvre.

En ce qui concerne le domaine du cadre interne, il était important que les interventions de télémédecine soient compatibles et intégrées aux objectifs et aux flux de travail des organisations existantes. Le manque de compétences sur la façon d'intégrer l'intervention dans les flux de travail existant a entravé la mise en œuvre.

En ce qui concerne les caractéristiques des personnes, la littératie technique, la perception que la technologie était pratique et la participation de la famille ont été des facteurs facilitateurs à la mise en œuvre des interventions, alors que l'existence de priorités concurrentes, de comorbidités et un âge avancé constituaient des obstacles.

Enfin, dans le domaine des processus, l'engagement de réseaux organisationnels pour établir des partenariats étroits et les possibilités de rétroagir ont souvent facilité la mise en œuvre de l'intervention. A l'inverse, le manque de formation et d'accord sur les responsabilités du personnel de santé a entravé le processus de mise en œuvre.


Recommandations des auteurs.

Premièrement, une intervention de télémédecine efficace dans l'hypertension ou le diabète nécessite une conception conviviale avec la flexibilité nécessaire pour s'adapter à la fois aux besoins du patient et aux besoins contextuels. L'organisme chargé de la mise en œuvre doit faire appel à divers intervenants "experts" à l'intérieur comme à l'extérieur de l'organisation de mise en œuvre, par exemple des experts qui ont des connaissances en matière de sécurité des réseaux et de l'information, dans le but d'améliorer chaque étape de l'intervention. Un investissement financier adéquat au stade de la planification de la mise en œuvre peut contribuer à garantir que la suite de l'intervention soit rentable et ainsi à éviter tout faux pas financier. L'objectif de l'intervention doit être en conformité avec les objectifs de l'organisation et répondre aux besoins locaux.

Deuxièmement, la collaboration continue entre toutes les parties prenantes impliquées dans l'intervention, c'est à dire le personnel de santé, les patients, les cliniques, les pharmacies, les laboratoires et les communautés, est l'approche idéale pour obtenir un processus de mise en œuvre efficace et motivant. De plus, le soutien de la famille et des pairs est d'une grande valeur pour motiver la participation aux interventions. Cela est conforme aux études existantes, lesquelles suggèrent que le soutien global des professionnels de la santé, des cadres et des réseaux sociaux des patients améliore indiscutablement la performance et l'acceptation lors de la mise en œuvre.

Troisièmement, il est essentiel de bien définir le processus de prise de décision, de résolution des problèmes éventuels et de la chaine de collaboration lors de l'exécution de la mise en œuvre. Les obstacles à la mise en œuvre apparaissent lorsqu'il existe de l'incertitude ou un manque de connaissance de l'intervention et de son contexte de mise en œuvre. Par exemple, certaines interventions de télémédecine ont été interrompues et même annulées en raison de la faiblesse de la connexion Wi-Fi dans les zones à faibles ressources financières. Cela a eu une incidence négative sur la perception de l'intervention chez les patients.

Enfin, une évaluation continue des résultats de la mise en oeuvre est importante pour le succès pérenne d'une intervention. La rétroaction régulière et synchrone sur les performances et l'expérience des patients aide le personnel de santé à mieux comprendre les besoins des patients en temps réel et permet au personnel de santé d'évaluer l'impact de l'intervention. Une étude récente a indiqué que la rétroaction de divers groupes de patients est particulièrement importante, car elle permet la mise en œuvre d'une intervention plus inclusive et adaptable. Les groupes peuvent inclure des patients soupçonnés d'hypertension, des personnes âgées, des personnes médicalement mal desservies, des patients atteints de diabète, des patients présentant des comorbidités et des patients isolés en raison de pandémies ou d'autres catastrophes.


Points forts et limites de notre étude.

À notre connaissance, cette étude est le première à utiliser une méthode scientifique sur la mise en œuvre d'un projet pour explorer les obstacles et les facilitateurs pour mettre en place les interventions de télémédecine dans la prise en charge du diabète, de l'hypertension ou des deux à la fois. L'un des principaux points forts de notre étude a été l'utilisation d'un cadre de recherche complet sur la mise en œuvre pour guider la collecte, l'analyse et la synthèse des données, car cela nous a permis d'aborder notre question de recherche de manière exhaustive et systématique.

L'une des limites de notre étude est que nous avons exclu de notre recherche les études non anglophones et la littérature dite "grise" (sans preuves scientifiques). L'adoption rapide des interventions de télémédecine au cours des dernières années a peut-être favorisé une captation plus rapide par la littérature "grise". Par conséquent, nous avons peut-être manqué d'études potentiellement pertinentes. De plus, l'évaluation des obstacles à la mise en œuvre ainsi que des facilitateurs n'était pas l'objectif principal de toutes les études incluses dans notre revue. Cependant, nous avons utilisé la discussion et le consensus pour identifier et classer les obstacles et les facilitateurs.


Conclusions

Cette étude a utilisé une méthode de recherche globale sur la mise en œuvre d'un projet afin de synthétiser les obstacles et les facilitateurs de la mise en œuvre d'interventions de télémédecine chez les patients relevant de soins pour hypertension et/ou diabète. Nos constatations et recommandations soulignent que la mise en œuvre réussie d'une intervention nécessite des efforts globaux pour surmonter les défis individuels et interpersonnels aux niveaux organisationnel et environnemental.

Les besoins et les perceptions des patients, des professionnels de la santé et des autres membres du personnel doivent être priorisés et pris en compte, y compris en ce qui concerne la littératie technique et la littératie en matière de santé, les rôles et les responsabilités, et l'échange d'informations. La communication entre les patients et les professionnels de la santé ainsi que les partenariats avec différents experts sont importants au niveau interpersonnel. Il est important d'intégrer les objectifs et les processus d'intervention dans  les flux de travail organisationnels existants afin de mobiliser les parties prenantes, faciliter la collaboration et assurer l'adhésion des professionnels de la santé. Enfin, la flexibilité réglementaire et juridique, les environnements favorables et l'alignement de l'intervention sur les politiques nationales sont essentiels pour garantir le financement, l'adhésion des personnels de santé et la réussite globale de la mise en œuvre.


COMMENTAIRES. En juin 2013, la HAS publiait une monographie intitulée "Grille de Pilotage et de Sécurité d'un projet de télémédecine" qui indiquait la plupart des points repris dans le travail de l'équipe canadienne réalisé en 2023   (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2013-07/guide_grille_de_pilotage_et_de_securite_d_un_projet_de_telemedecine_2013-07-18_13-34-47_545.pdf). Il est probablement dommage que cette monographie HAS de grande qualité n'ait pas donné lieu à une publication française en langue anglaise. On peut ainsi regretter que dans la revue canadienne de la littérature médicale internationale, aucune publication ne provienne de la France parmi les 6 pays européens contributeurs. Cette monographie est accessible sur le site de la HAS et demeure encore d'actualité 10 ans plus tard comme le révèle la revue des 35 articles publiés entre 2017 et 2022 à travers le monde. Notre pays fut en quelque sorte précurseur dans les recommandations de mise en oeuvre d'un projet de télémédecine.

Que faut-il retenir de cette revue canadienne ? Les recommandations des auteurs canadiens en 2023 pour les patients atteints d'hypertension artérielle et/ou de diabète recoupent celles de la HAS de 2013 qui s'adressaient à toutes les situations de santé publique où la télémédecine pouvait apporter un bénéfice, en particulier dans le domaine de l'amélioration de l'accès aux soins. Nous en soulignons les principaux points : un projet de télémédecine doit répondre à un besoin des patients bien identifié, les patients doivent être partenaires du projet et être les évaluateurs de sa qualité, le projet de télémédecine doit faire consensus entre toutes les personnes impliquées allant de la famille des patients et des professionnels de santé aux divers professionnels du numérique impliqués dans le parcours de soins, la sécurité des données personnelles de santé doit être assurée, le financement doit être clair dès la phase de conception du projet, la technologie numérique doit être fiable, sécurisée, éthique, conviviale, adaptée aux compétences et connaissances des patients et des professionnels de santé. Les principaux obstacles sont l'illectronisme, les comorbidités invalidantes liées à l'âge, l'absence de consentement des patients et de consensus professionnel.


28 janvier 2024