Comment interpréter les données du Health Data Hub sur la pratique de la téléconsultation en 2021 ?

Le journal Le Quotidien du Médecin a eu accès aux données de l'Assurance maladie obligatoire (AMO) versées dans le Système National des Données de Santé (SNDS) sur la pratique de la téléconsultation médicale au cours des années 2020-21, l'extraction ayant été réalisée par le Health Data Hub à la demande du journal. La richesse des données collectées mérite qu'on s'y attarde. Nous sommes en 2021 à l'An 3 du financement de la téléconsultation dans le droit commun de la Sécurité sociale. Nous avions fait sur ce site un billet sur l'An 1 (2019) de cette nouvelle pratique à l'occasion du premier anniversaire de son financement dans le droit commun (15 septembre 2018).

Alors que l'AMO voulait financer la 1ére année de la téléconsultation à hauteur de 500 000 actes, seulement 127 178 avaient été réalisées. Un semi-échec avions-nous écrit le 17 septembre 2019, car les conditions technologiques pour un réel envol de cette nouvelle pratique n'étaient pas réunies : des solutions de Visio peu sécurisées, non agiles (https://www.telemedaction.org/445424795) et surtout non-interopérables avec les logiciels métiers des professionnels de santé (https://www.telemedaction.org/443481923). L'année 2020 a confirmé ce retard technologique puisque la grande majorité des 19 millions de téléconsultations réalisées pendant cette année de pandémie Covid-19 l'ont été avec le téléphone ou les outils Visio des GAFAM. (https://www.telemedaction.org/446583038)

Les résultats de l'année 2021 devraient donc être intéressants à analyser afin de savoir si le succès de cette pratique professionnelle est vraiment durable, comme l'affirme le Quotidien du Médecin. Il est vrai que les professionnels de santé ont bénéficié d'un magnifique investissement des offreurs de solutions numériques, ce qui a permis progressivement de bien identifier celles qui étaient les plus performantes et sécurisées au regard du RGPD. (https://www.telemedaction.org/442230230)  

Téléconsultation: succès durable mais pas arme anti-déserts médicaux | Le Quotidien du Médecin

Les spé qui téléconsultent le plus, les plus gros prescripteurs… Radiographie de la téléconsultation en 2021 | Le Quotidien du Médecin (lequotidiendumedecin.fr)

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/esante/la-vraie-teleconsultation-na-pas-encore-commence 

Un succès durable, mais pas une arme anti-déserts médicaux.

C'est le titre choisi par les journalistes du Quotidien du Médecin pour présenter le premier article publié le 8 septembre 2022.

La téléconsultation est loin de répondre aux besoins des patients vivant dans les zones de basse densité médicale (les déserts médicaux).

"En 2021, sur les 15 départements où la part d'habitant qui avait fait au moins une téléconsultation dans l'année était la plus élevée, dix font partie des territoires les mieux fournis en médecins, comme Paris, la Gironde ou encore les Alpes-Maritimes". Et de donner le détail de ces départements : Paris 16 % des habitants ont réalisé au moins une téléconsultation dans l’année 2021. Viennent ensuite le Bas-Rhin (15,9 %), les Hauts-de-Seine (14,5 %), le Val-de-Marne (14,4 %), les Alpes-Maritimes (13,9 %), les Yvelines (13,8 %), le Val-d’Oise (13,5 %), le Rhône (13,5 %), l’Hérault (12,2 %) et les Bouches-du-Rhône (12 %). Tous ces départements ont les densités médicales les plus élevées de l'hexagone.

À l’inverse, les départements qui avaient le moins de téléconsultations étaient les départements ruraux, ceux considérés comme des déserts médicaux (Aisne, Ariège, Orne, Mayenne, Lot, Yonne, Aveyron), la Creuse étant le dernier département de la liste avec 2,29 % de sa population ayant réalisé au moins une téléconsultation en 2021 (4,36% en 2020 et 0% en 2019) ! Les populations du Lot et de la Creuse sont les plus âgées de France, les plus touchées par les maladies chroniques du vieillissement, mais aussi les moins connectées ou les plus atteintes d'illectronisme. (https://www.telemedaction.org/page:B02E3079-DBC1-43BD-9A78-924FB5F48C64"text-align: justify; padding: 0px 0px 22px; margin-bottom: 0px; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; line-height: 1.2; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: none solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">En 2020 comme en 2021, les téléconsultations se sont développées essentiellement dans les zones urbaines.

En 2020, 20 % de la population l'a expérimentée au moins une fois dans le Bas-Rhin, 18 % dans le Rhône ou à Paris. Dans les sondages de 2021 (https://www.telemedaction.org/447449615), aucune information n'était donnée sur la fréquence des téléconsultations par département. C'est le mérite des données du SNDS de le préciser. Ce qui permet au Quotidien du Médecin de dire que la téléconsultation a été essentiellement urbaine et n'a pas été, jusqu'à présent, une arme pour améliorer l'accès aux soins dans les zones rurales en basse densité médicale.

Qui a consulté en 2021 ?

6 249 628 millions de téléconsultations étaient exploitables pour l'âge et le sexe. La répartition par âge était la suivante : 5,8% étaient des personnes de moins de 20 ans, 75,8% des personnes de 20 à 39 ans, 10,2% des personnes de 40-59 ans et 8,2% de 60 ans et plus. Ces données exhaustives confirment de précédents sondages, à savoir que la téléconsultation "solo" bénéficie surtout à la génération des adultes jeunes, dont 60% sont des femmes. Il reste à développer la téléconsultation pour la génération des personnes âgées et isolées, vivant le plus souvent en zones de basse densité-médicale, et qui ne peut être qu'assistée d'un professionnel de santé paramédical ou d'un pharmacien en particulier lorsqu'il existe un illectronisme. ((https://www.telemedaction.org/452702488)

En 2022, la dynamique de progression de la téléconsultation se poursuit avec 1,1 à 1,2 millions de téléconsultations remboursées chaque mois au premier semestre. Si ce rythme continue, ce serait environ 14 à 15 millions de téléconsultations qui seraient réalisées en 2022, soit une augmentation de 25% par rapport à 2021, et 6 fois plus que la prévision initiale de l'Assurance maladie en 2018 (2,5 millions d'actes).

Cette progression, qui pourrait être due à une activité croissante des plateformes commerciales dans les zones urbaines, amène l'Assurance maladie à vouloir recadrer la téléconsultation lors de la prochaine LFSS 2023 et de la nouvelle Convention médicale nationale. D'autant que cette progression d'activité de téléconsultation ne semble pas impacter les zones rurales en sous-densité médicale, mais bénéficie surtout aux zones urbaines bien pourvues en médecins. (Vers un recadrage de la téléconsultation | Le Quotidien du Médecin (lequotidiendumedecin.fr)

Quelles sont les spécialités qui téléconsultent le plus en 2021 ?

La Psychiatrie en tête des usages de la téléconsultation 

Avec 19,5% de la totalité des téléconsultations réalisées en 2021 (au moins une téléconsultation), c'est la Psychiatrie adulte qui est en tête du top 20, suivie par l'Allergologie (16,5%), la Psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (12,4%), la Gériatrie (9,8%), la Médecine interne (8,8%), l'Oncologie médicale (8,6%), l'Endocrinologie (8,1%), l'Anesthésie-réanimation (7,2%), la Pneumologie (6,8%), la Neurologie (6,6%), la Gynécologie médicale (6,1%), l'Ophtalmologie (6,1%), la Pédiatrie (6,0%), la Médecine générale (6,0%), la Gynécologie-obstétrique (5,5%), la Gynécologie obstétrique et médicale (5,5%), la Chirurgie générale (3,8%), la Cardiologie (3,8%), la Dermatologie (3,6%), la Néphrologie (3,3%).

Dans les derniers des 34 spécialités recensées, on trouve trois spécialités chirurgicales : la Chirurgie infantile (1,3%), la Chirurgie orthopédique (1,8%), la Chirurgie urologique (2%), l'ensemble des spécialités chirurgicales représentant 20% de la totalité des téléconsultations réalisées en 2021. Les dernières spécialités médicales sont la Gastro-entérologie (3,1%), la Rhumatologie (2,5%), l'Hématologie (2,4%).

Quels médecins spécialistes continuent à pratiquer la téléconsultation en 2021 ?

Par rapport à 2020, plus de 25% des médecins généralistes et des endocrinologues continuent en 2021 une activité de téléconsultation.

Le nombre de praticiens ayant réalisé au moins une téléconsultation a diminué en 2021 par rapport à 2020, ce qui était attendu puisque l'année 2021 n'a pas été marquée par de nouveaux confinements. Ce sont les quelque 20% de psychiatres, qui ont découvert l'intérêt de la téléconsultation en 2020, qui restent les plus fidèles à cette pratique professionnelle. Seulement 10% ont abandonné.

35% des médecins généralistes (36 758) ont réalisé au moins une téléconsultation en 2021 soit 16% de moins qu'en 2020. Sur les 15 516 psychiatres en activité en France en 2021, 2904 (18,7%) continuent à pratiquer la téléconsultation, soit 10% de moins qu'en 2020.

Pour les autres spécialistes, le nombre de praticiens pratiquant encore la téléconsultation en 2021 a diminué de 25 à 60% par rapport à 2020 : 1365 (16%) des 8500 pédiatres (-25%), 1151 (20,4%) des 5636 gynécologues obstétriciens (-32%), 926 (24,5%)) des 3752 dermatologues (-45%), 646 (9%) des 7200 cardiologues (-59%), 635 (16,5%) des 3844 gastro-entérologues (-44%), 594 (5%) des 11 877 anesthésistes-réanimateurs (-42%), 558 (26,6%) des 2092 endocrinologues (-39%), 504 (19,5%) des 2578 rhumatologues (-45%), etc.

Quelles sont les spécialistes qui prescrivent le plus au décours d'une téléconsultation ?

Chez les Allergologues, 56,7% des téléconsultations se terminent par une prescription, chez les dermatologues 50,3%, chez les médecins généralistes 36,4%, chez les rhumatologues 36,4%, chez les endocrinologues 34,6%, chez les gynécologues obstétriciens 33,7%, chez les gynécologues médicaux 31,6%, chez les neurologues 30,4%, etc.

COMMENTAIRES. Il faut tout d'abord souligner la richesse des informations fournies par le SNDS, extraites par le Health Data Hub (HDH) à la demande du Quotidien du Médecin. Ceux qui ne comprenaient pas pourquoi les pouvoirs publics tenaient tant à avoir un Cloud national et à défendre la souveraineté numérique de la France ont ici la réponse. Le HDH aide les pouvoirs publics à piloter notre système de santé.

Sans la connaissance de ces données, on peut rester dans l'imprécision ou avoir de fausses convictions. Par exemple, combien de fois avons-nous entendu dans les médias que la téléconsultation devait améliorer l'accès aux soins des usagers vivant dans les déserts médicaux ? Cette étude montre qu'il n'en est rien pour l'instant et qu'il faut travailler sur de nouvelles organisations pour améliorer le parcours de soins des personnes âgées, souvent isolées, qui développent des maladies chroniques du vieillissement. Le boom des téléconsultations en 2020 et 2021 n'a pas bénéficié à ces populations.

La vraie téléconsultation qui apporte un service médical aux usagers (à différencier du service social que la téléconsultation apporte aujourd'hui aux populations jeunes) est peu ou pas développée (https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/esante/la-vraie-teleconsultation-na-pas-encore-commence)

Compte tenu de l'illectronisme de 16,5% de la population générale, touchant surtout la population âgée (70%) (https://www.telemedaction.org/450497110), ces téléconsultations ne peuvent être que programmées et assistées d'un professionnel de santé paramédical ou d'un pharmacien, alternées avec des consultations présentielles, coordonnées par le médecin traitant ou une équipe pluridisciplinaire (CPTS). La mobilité des professionnels de santé vers le domicile des patients isolés ou handicapés est à développer pour atteindre cet objectif (https://www.telemedaction.org/453068582). Enfin, il faut relire la Charte des bonnes pratiques de la téléconsultation publiées par l'Assurance maladie en avril 2022 (https://www.telemedaction.org/452395661) en prenant en compte l'immense apport de la plateforme MES (https://www.telemedaction.org/449536030).

Il faut former les professionnels aux bonnes pratiques de la téléconsultation et aux cas d'usages dans la population âgée, en particulier celle vivant dans les zones à basse densité médicale. Il faut sortir de la vision actuelle qui réduit la téléconsultation aux zones urbaines et aux jeunes générations. Elle apporte surtout un confort social et peu de service sanitaire.

11 septembre 2022

 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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