La téléconsultation assistée d'un professionnel de santé : où en sommes-nous en France ?


Le nouveau Think Tank Santé numérique et Télésanté (https://telemedaction.org/think-tank/) ouvre la saison de ses webinaires 2024 (https://telemedaction.org/think-tank/programme-des-webinaires-2024) sur le thème de la "téléconsultation assistée d'un professionnel infirmier libéral". Des expériences de terrain (Grand Est et Occitanie) viendront illustrer ce thème. A cette occasion, nous souhaiterions rappeler, dans ce billet, comment le sujet de la téléconsultation assistée d'un professionnel de santé a émergé en France à partir du début des années 2000 et faire le bilan de son développement en 2024.


Le cadre légal et réglementaire


Cette forme de téléconsultation figurait dans la définition légale de la télémédecine (loi HPST du 26 juillet 2009) et dans le décret de télémédecine du 19 octobre 2010.


Ce que dit la définition de la télémédecine dans la loi HPST

La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Elle met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d'autres professionnels apportant leurs soins au patient. Dans ce premier paragraphe de la définition de la télémédecine, il est évident que la téléconsultation assistée d'un professionnel est une pratique légale, la mise en rapport du patient avec un professionnel médical pouvant bénéficier d'autres professionnels apportant leurs soins au patient.


Ce que dit le décret d'application précisant les différents actes de télémédecine

1° La téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation. Les psychologues mentionnés à l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social peuvent également être présents auprès du patient. Cette définition réglementaire de l'acte de téléconsultation autorise un professionnel de santé à être présent auprès du patient pour l'assister pendant la téléconsultation.


Le développement de la téléconsultation assistée en France depuis le début des années 2000


Dans le secteur hospitalier

Bien avant l'apparition du cadre légal et réglementaire de la télémédecine, la téléconsultation assistée d'un professionnel de santé non-médical avait commencé à se développer dans les hôpitaux publics grâce aux autorisations données par les ARH (Agence régionale de l'hospitalisation).

Ainsi, l'ARH de Bretagne autorisa en 2002 la réalisation de téléconsultations néphrologiques assistées d'infirmières hospitalières auprès de patients dialysés dans des centres de vacances bretons fréquentés par des patients insuffisants rénaux originaires d'Ile de France et d'autres régions françaises. Ces téléconsultations néphrologiques assistées de l'infirmière de dialyse étaient réalisées en fin de séance. Elles étaient intégrées dans le modèle organisationnel de la télédialyse qui consistait à surveiller à distance les patients traités par hémodialyse ou dialyse péritonéale. Cette nouvelle organisation de soins néphrologiques fut validée par la HAS en janvier 2010 ((https://telemedaction.org/432098221/43258520). A partir de 2006, la télédialyse se développa au niveau du département des Côtes d'Armor pour les patients costarmoricains afin de leur permettre de réaliser leurs séances d'hémodialyse au plus proche de leur domicile dans des structures hospitalières périphériques (Lannion, Guingamp, Paimpol). L'ARH de Lorraine autorisa également à cette époque la téléconsultation assistée en dialyse péritonéale à domicile. Ces nouvelles organisations de la télédialyse furent reprises dans le programme ETAPES de 2018 et sont désormais financées dans le droit commun de la sécurité sociale.

L'ARH Ile de France autorisa en 2006 les téléconsultations entre l'hôpital Georges Pompidou de Paris et l' Ehpad de l'hôpital Vaugirard. Il s'agissait de téléconsultations assistées par les infirmières de l' Ehpad dans le champ de la médecine interne, de la cardiologie, de la dermatologie, de la chirurgie orthopédique (post-opératoire), etc. L'infirmière salariée de l' Ehpad public était formée à l'assistance de patients très âgés et à l'usage d'objets connectés au cours de la téléconsultation, comme le guidage en temps réel sur le thorax du patient de la sonde d'échocardiographie par le cardiologue hospitalier qui réalisait la téléconsultation (https://telemedaction.org/422783742/422886029). D'autres établissements de santé développèrent à partir de 2010 des téléconsultations spécialisées assistées par les infirmières d' Ehpad (CHU de Limoges, CHU de Rennes, CHU de Bordeaux, etc.) avec l'accord des nouvelles ARS qui remplacèrent les ARH en 2010 (https://telemedaction.org/432098221/437554004).

L'ARH de la région Franche-Comté autorisa en 2002 le service de neurologie vasculaire du CHU de Besançon à participer à la grande étude européenne Tempis du Télé-AVC. Cette application de la télémédecine se caractérise par une téléconsultation assurée par un neurologue vasculaire d'une unité neuro-vasculaire et assistée par l'infirmière ou le médecin urgentiste du service d'urgences hospitalier qui reçoit le patient au stade initial de l'AVC ischémique, dans le but qu'il reçoive dans les 4 premières heures de l'AVC ischémique le traitement thrombolytique.

Les ARH des régions Ile de France et du Nord-Pas de Calais autorisèrent dès 2006 le développement de la téléradiologie, le médecin radiologue hospitalier réalisant une téléconsultation assistée pendant la réalisation d'un scanner par le manipulateur d'électroradiologie qui effectuait l'examen dans un hôpital périphérique dépourvu d'une garde de radiologie.

Les ARS Ile de France et d'Occitanie firent la promotion des téléconsultations assistées dans les établissements pénitentiaires, après l'expérimentation réussie du CHU de Toulouse avec l'établissement pénitentiaire de Lannemezan au début des années 2000. C'est l'infirmière de la prison qui assure l'assistance du détenu pendant la téléconsultation avec un dermatologue ou un psychiatre praticien hospitalier (https://telemedaction.org/422783742/422886029). Les gains financiers pour l'établissement pénitentiaire sont importants puisque chaque extraction d'un prisonnier pour une consultation présentielle dans l'établissement de rattachement  est évaluée à 800 euros.

Le financement des pratiques hospitalières de téléconsultations assistées fut couvert d'abord par le budget global de l'hôpital (avant 2008) et ensuite, plus difficilement, par le financement à l'activité (T2A). Les établissements qui ne recevaient pas les dotations de la DGOS dédiées au développement de la télémédecine dans le cadre du plan national quinquennal de télémédecine (2011-2015) s'estimaient en difficultés financières pour poursuivre les pratiques de télémédecine initiées avec le budget global. Ces financements dédiés à la télémédecine étaient attribués par les ARS à compter de 2012 sur la base d'un contrat avec les établissements.


Dans le secteur libéral

L'Assurance maladie s'était opposée en 2011 au financement de la télémédecine dans le droit commun de la sécurité sociale pour le secteur ambulatoire. Il fallut attendre le 15 septembre 2018 pour que les professionnels médicaux du secteur libéral puissent réaliser des téléconsultations à l'initiative du médecin traitant, comme le précisait l'avenant 6 de la convention nationale médicale, et être ainsi rémunérés à l'acte selon les règles du droit commun. L'acte de téléconsultation était financé comme l'acte de consultation présentielle, mais le professionnel de santé pouvait bénéficier d'un forfait structure dédié à l'équipement en solutions numériques (https://telemedaction.org/432098221/424036118). L'assistance d'un professionnel de santé libéral lors d'une téléconsultation initiée par le médecin traitant fut reconnue à partir du 6 septembre 2019 pour le pharmacien d'officine (https://telemedaction.org/432098221/441345936) et du 1er janvier 2020 pour le professionnel infirmier libéral (https://telemedaction.org/423570493/445368981).

Autorisée et financée dans le secteur libéral quelques semaines avant le début de la pandémie, la téléconsultation assistée d'un professionnel infirmier libéral ou d'un pharmacien d'officine ne commencera réellement à se développer qu' à partir de 2022.


Pendant la pandémie Covid-19, l'assistance d'un professionnel infirmier libéral à une téléconsultation, notamment auprès des résidents d' Ehpad, comportait un risque de contamination, tant pour le patient que pour le professionnel de santé, risque jugé trop élevé pour être recommandée (https://telemedaction.org/423570493/445307242). Le télésoin pour les professionnels non-médicaux, devenu légal par la loi OTSS du 28 juillet 2019 (https://telemedaction.org/422016875/422113393), fut autorisé à titre dérogatoire pendant la pandémie pour 8 professions non-médicales (https://telemedaction.org/422016875/449008518)(https://telemedaction.org/437100423/445512961).


En postpandémie, il fallut attendre la fin de la période d'urgence sanitaire (31 juillet 2022) pour que la téléconsultation assistée par un professionnel de santé soit de nouveau un sujet d'actualité, recommandé dans la charte de l'Assurance maladie (https://telemedaction.org/432098221/452395661). Elle fut même l'objet d'un débat au Parlement, certains parlementaires considérant que c'était la seule forme de téléconsultation qu'il fallait autoriser (https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221017/soci.html)(https://telemedaction.org/423570493/453424995). Force est de constater que la forme de téléconsultation qui s'est développée pendant la pandémie n'a profité qu'à une population jeune, notamment pendant les confinements (https://telemedaction.org/422016875/453185455).

Pourrait-il exister dans la pratique de la téléconsultation en secteur libéral une forme "générationnelle" (https://telemedaction.org/422021881/452702488) ?

D'une part, la nécessité de reconnaître la téléconsultation en solo. Elle s'est développée pendant la pandémie chez des jeunes adultes qui souvent n'avaient pas (encore) de médecins traitants et qui prenaient l'initiative d'appeler les plateformes de sociétés de téléconsultation ponctuelle, c'est à dire celles qui recevront un agrément ministériel en 2024 (https://telemedaction.org/423570493/le-far-west-de-la-t-l-consultation/).

D'autre part, la forme de la téléconsultation programmée par le médecin traitant ou le médecin spécialiste, assistée d'un professionnel de santé, laquelle devrait bénéficier surtout aux patients âgés, handicapés et atteints de maladies chroniques, en alternance avec des consultations présentielles (https://telemedaction.org/422021881/t-l-consultation-et-smr)(https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle).


En résumé, la téléconsultation assistée d'un professionnel de santé, si elle s'est développée en France depuis le début des années 2000 dans les hôpitaux publics, où elle continue d'exister ((https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle), elle commence à se développer dans le secteur ambulatoire depuis 2022. Des expériences de terrain, tant dans le secteur des soins primaires que dans celui des soins secondaires hospitaliers, méritent d'être mieux connues en 2024. L'organisation mise en place peut éclairer celles et ceux qui au niveau d'un territoire de santé veulent développer ces soins "hybrides", alternant des soins distanciels et des soins présentiels

(https://telemedaction.org/422016875/m-decine-hybride-du-21-me-si-cle).

C'est l'objectif que se sont donnés les fondateurs du Think Tank Santé numérique et Télésanté qui commence la saison de ses webinaires mensuels le 25 janvier sur le thème de la téléconsultation assistée d'un professionnel infirmier libéral. Rejoignez ce webinaire à partir de 19h15 par le lien suivant : https://us02web.zoom.us/j/87167372458?pwd=T1F6b3lSNDZIem5Ya3dHdUF4SFVUdz09.



19 janvier 2024