Promouvoir des soins distanciels alternés aux soins présentiels dans un plan d'économie serait-il

une démarche éthique ?


La France est à la fois le pays le plus endetté de l'Europe et celui qui a les prélèvements obligatoires et les dépenses sociales les plus élevés. Pour autant, l'insatisfaction de nos concitoyens vis à vis de certains services publics est grande, comme le service des urgences hospitalier (https://telemedaction.org/423570493/demande-de-soins). La croissance économique avec son corollaire qu'est le retour vers le plein emploi n'est pas encore au rendez-vous, et pas seulement en France mais dans la plupart des pays européens. Après le "quoi qu'il en coûte" de la période pandémique, tous les pays cherchent à réduire les dépenses publiques.

Les Pouvoirs Publics français chercheraient à faire des économies dans le secteur de la santé en remettant en cause le mode de prise en charge financière des affections de longue durée (ALD) (https://www.frequencemedicale.com/female/actualites/11480-ALD-remise-en-cause-de-leur-prise-en-charge#:~:text=Les%20ALD%20(Affections%20de%20Longue,cadre%20du%20plan%20d'%C3%A9conomies.) et en reconsidérant les 5 milliards de transports sanitaires.

Pourquoi ne pas promouvoir les soins distanciels lorsque les soins présentiels sont évitables (https://telemedaction.org/422021881/consultations-pr-sentielles-vitables)(https://telemedaction.org/422021881/consultations-pr-sentielles-vitables-2)  ce qui pourrait contribuer à réduire les coûts des transports sanitaires (5 Mds d'euros/an) remboursés par l'Assurance maladie ?

Ne faudrait-il pas lever certains verrous sur les pratiques de télémédecine (https://telemedaction.org/423570493/452442936) dont on sait aujourd'hui qu'elles peuvent générer plusieurs milliards d'euros d'économies à l'Etat sans altérer la qualité des soins délivrés aux patients (https://www.institutmolinari.org/wp-content/uploads/2022/01/etude-telemedecine-janvier2022_fr.pdf) ?


Les autorités sanitaires, au décours de la pandémie Covid19, ont souhaité que les téléconsultations à l'initiative du citoyen (https://telemedaction.org/422021881/t-l-consultation-et-smr)(https://telemedaction.org/422021881/teleconsultation-et-smr-2)(https://telemedaction.org/422021881/t-l-consultation-et-smr-3), notamment celles réalisées auprès de médecins salariés des sociétés de téléconsultation (https://telemedaction.org/437100423/453459149), rejoignent l'ensemble des pratiques de télémédecine déjà financées dans le droit commun de la sécurité sociale.

Pour être agréées, les sociétés de téléconsultation devront respecter le référentiel HAS (https://telemedaction.org/437100423/r-f-rentiel-has-pour-les-soci-t-s-de-t-l-consultation) (https://docs.google.com/document/u/0/d/11iCqrXc71xxGBbMyKUjUC8QnK4f8cu25/mobilebasic), ainsi que le décret précisant les conditions réglementaires de mise en oeuvre de cette forme de téléconsultation pour qu'elles obtiennent le remboursement par l'Assurance maladie obligatoire (AMO) lorsqu'elles auront obtenu l'agrément du ministre de la Santé et de la Sécurité sociale (https://www.linkedin.com/posts/activity-7169223840445751296-zF5j?utm_source=share&utm_medium=member_ios)(https://www-bfmtv-com.cdn.ampproject.org/c/s/www.bfmtv.com/amp/sante/les-societes-de-teleconsultation-medicale-integrent-officiellement-le-systeme-de-soins_AD-202403010889.html).

Notre pays dispose aujourd'hui d'un cadre réglementaire et éthique qui permet de réaliser des soins distanciels de qualité, alternés aux soins présentiels, au sein d'un parcours de soins coordonné par le médecin traitant (https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle).


A l'heure des discussions conventionnelles, que faudrait-il proposer aux médecins généralistes de soins primaires ?


Se former au DPC de télémédecine et évaluer leurs pratiques professionnelles (EPP).

Etabli par le ministère de la Santé (Direction ministérielle du numérique en santé), ce programme DPC d'une durée de 28h, dont seulement 6h sont consacrées aux pratiques de télésanté, se révèle être en plein naufrage 15 mois après son lancement. Très peu de médecins s'y sont inscrits.

Alors que ce DPC devait permettre de corriger les mauvaises pratiques professionnelles acquises pendant la période pandémique, notamment celles de la téléconsultation, l'ANDPC refuse que ce programme de formation intègre une méthode d'évaluation des pratiques professionnelles (EPP), laquelle s'appuierait sur les référentiels HAS de 2019 (https://telemedaction.org/422016875/epp-en-t-l-sant). Il est donc paradoxal d'entendre dans les médias et les communiqués des syndicats libéraux que les pratiques de téléconsultation relèveraient d'un "Far West" (https://telemedaction.org/423570493/le-far-west-de-la-t-l-consultation), mauvaises pratiques qui suscitent également un "coup de gueule" des associations de patients (https://telemedaction.org/423570493/un-coup-de-gueule-salutaire) et, en même temps, entendre certains représentants de la médecine libérale qui siègent à l'ANDPC refuser que les pratiques professionnelles de télésanté dans le DPC relèvent d'une EPP (https://telemedaction.org/422016875/epp-en-t-l-sant).


Les convaincre d'utiliser la téléconsultation en alternance avec la consultation présentielle, en particulier dans le suivi des patients atteints de maladies chroniques. Très curieusement, la charte des bonnes pratiques de la téléconsultation qui suivait la mise en oeuvre de l'avenant 9 au 1er avril 2022 (https://telemedaction.org/432098221/452395661) ((https://telemedaction.org/432098221/452419586), avenant élaboré par les partenaires conventionnels, le CNOM et l'AMO, n'a aucunement permis à la téléconsultation à l'initiative du médecin traitant de se développer.

Selon les données de la CNAM, 70% du million mensuel de téléconsultations remboursées par l'AMO en 2023 et début 2024 sont des téléconsultations à l'initiative du citoyen, soit auprès de médecins salariés des sociétés de téléconsultations (30%), soit auprès de médecins libéraux (non traitants) (40%), incluant les spécialités médicales hors parcours, ces médecins libéraux se déclarant disponibles pour une téléconsultation non-programmée sur les plateformes de rendez-vous médicaux.

La téléconsultation à l'initiative du médecin traitant ne représenterait en 2023 que 3 millions d'actes remboursés (contre 9,4 millions en 2021 selon l'enquête de la DREES publiée en décembre 2022 https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/sept-teleconsultations-de-medecine-generale), soit une chute de 65% de cette forme de téléconsultation en 2 ans. Rapportée au nombre de médecins généralistes, ce chiffre signifierait que la téléconsultation ne représenterait en fait que moins de 1% des consultations  de médecins générale remboursées. La CNAM s'inquiète de cette chute depuis 2021 et de cette stagnation observée en 2023. En fait seuls quelques médecins généralistes traitants, les plus jeunes, pratiquent encore la téléconsultation programmée dans leur activité professionnelle. 

Nous pensons que cette perte d'intérêt pour la téléconsultation programmée en médecine générale peut être liée aux messages plutôt négatifs des syndicats libéraux et du CNOM (la téléconsultation doit rester une exception) et aux sanctions financières que prennent les CPAM dès qu'un médecin dépasse les 20% de son exercice professionnel. Ces messages ne correspondent pas aux données scientifiques publiées récemment, lesquelles rappellent que, tant sur le plan humain que sur le plan clinique, la téléconsultation n'est pas inférieure à la consultation présentielle à la condition qu'elle soit bien pratiquée.

https://telemedaction.org/432098221/450415051

The effectiveness of teleconsultations in primary care: systematic review. Carrillo de Albornoz S, Sia KL, Harris A. Fam Pract. 2022 Jan 19;39(1):168-182. doi: 10.1093/fampra/cmab077.PMID: 34278421

Telemedicine in the OECD: An umbrella review of clinical and cost-effectiveness, patient experience and implementation. Eze ND, Mateus C, Cravo Oliveira Hashiguchi T. PLoS One. 2020 Aug 13;15(8):e0237585. doi: 10.1371/journal.pone.0237585. eCollection 2020.PMID: 32790752. 


Les convaincre que les usagers sont des acteurs responsables en télémédecine et qu'ils sont favorables à son développement.

La téléconsultation est régulièrement plébiscitée dans les enquêtes d'opinion et cette satisfaction progresse au fil des enquêtes (https://www.caducee.net/actualite-medicale/15701/e-sante-les-francais-plebiscitent-la-teleconsultation-selon-un-sondage-odoxa.html) (https://telemedaction.org/423570493/447449615)(https://telemedaction.org/423570493/450618190).

L'Expérience patient en télémédecine, en téléconsultation en particulier, doit être pris désormais en considération dans les évaluations des pratiques distancielles (Use of Patient-Reported Outcome Measures and Patient-Reported Experience Measures Within Evaluation Studies of Telemedicine Applications: Systematic Review. Knapp A, Harst L, Hager S, Schmitt J, Scheibe M. J Med Internet Res. 2021 Nov 17;23(11):e30042. doi: 10.2196/30042.PMID: 34523604).


Il faut reconsidérer les parcours de soins en appliquant l'adage "le juste soin au bon endroit et au juste coût"


Il ne s'agit bien évidemment pas de développer les soins distanciels pour faire seulement des économies (https://telemedaction.org/422021881/m-decine-hybride-au-21-me-si-cle). Il ne s'agit pas non plus de considérer que "la santé n'a pas de prix", comme cela était fréquemment dit au 20ème siècle. 


La progression du nombre de patients atteints de maladies chroniques liée au vieillissement et à l'allongement de l'espérance de vie oblige patients et professionnels de santé à se concerter pour trouver de nouvelles organisations de soins aussi efficaces que les soins traditionnels exclusivement en présentiel, organisations distancielles moins coûteuses car elles évitent des coûts de transport. Donnons quelques exemples montrant l'intérêt du numérique en santé.


La téléconsultation, lorsqu'elle est bien pratiquée (nécessité d'une formation préalable) et avec pertinence (https://telemedaction.org/422021881/pertinence-et-qualit-s-cliniques-de-la-tlm-1)(https://telemedaction.org/422021881/pertinence-et-qualit-de-la-tlm-2), apporte un service rendu (SMR) aux patients non inférieur au SMR de la consultation en présentiel. Les preuves scientifiques sont aujourd'hui claires, suffisantes et reconnues par la communauté médicale internationale.

Si cette pratique peut être de nature "générationnelle" (https://telemedaction.org/422021881/452702488), comme la téléconsultation ponctuelle à l'initiative du citoyen qui permet à de jeunes actifs de trouver dans l'offre des sociétés de téléconsultation une réponse rapide à un problème souvent bénin, la téléconsultation doit pouvoir aussi améliorer l'accès aux soins de personnes âgées et isolées, parfois handicapées, souvent atteintes de polypathologies. Certains patients ont perdu leur médecin traitant parti en retraite et ne peuvent en retrouver un nouveau (710 000 en 2023), malgré les actions efficaces des 781 CPTS déployées aujourd'hui sur les territoires (https://www.paymed.pro/cpts-bilan/#:~:text=Les%20CPTS%20ont%20d%C3%A9montr%C3%A9%20leur,plus%20efficace%20et%20plus%20rapide.) et des actions toutes aussi efficaces de l'AMO (https://www.ameli.fr/cotes-d-armor/medecin/actualites/patients-en-ald-sans-medecin-traitant-les-listes-sont-disponibles-dans-amelipro#:~:text=Le%20plan%20d'actions%20pour,ont%20d%C3%A9sormais%20un%20m%C3%A9decin%20traitant).

La téléconsultation à la demande du médecin traitant ou d'un médecin spécialiste, assistée d'un professionnel infirmier ou d'un pharmacien, doit être privilégiée chez la personne âgée, souvent touchée d'illectronisme (https://telemedaction.org/422016875/450497110). Pour y parvenir, plusieurs organisations professionnelles sont possibles sur le terrain, comme cela a été rapporté lors d'un webinaire organisé par le Think Tank Santé numérique et Télésanté (https://telemedaction.org/think-tank/webinaire-25-janvier).

Les soins non-programmés sont en pleine évolution au sein des territoires avec le déploiement de la plateforme SAS (https://telemedaction.org/423570493/demande-de-soins). Si cette régulation inspirée du modèle suisse Medgate (https://www.medgate.ch/fr-ch) était attendue après le rapport de Thomas Mesnier de 2018 (https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_snp_vf.pdf), cette plateforme devra réguler toutes les consultations non-programmées.

Une nouvelle définition de l'urgence serait en discussion dans la négociation conventionnelle en cours : une affection ou la suspicion d'une affection mettant en jeu la vie du patient ou l'intégrité de son organisme et entraînant la mobilisation rapide des ressources humaines et matérielles. Cette définition CCAM remplacerait la définition actuelle : état d'urgence justifié par l'état du malade. Une consultation non-programmée et non régulée par la plateforme SAS, donnerait lieu pendant les horaires de la PDSA à une majoration tarifaire opposable. Toutefois, cette majoration ne serait pas applicable aux téléconsultations réalisées par les sociétés de téléconsultations pendant cette période de PDSA. Une telle discrimination vis à vis des sociétés de téléconsultation qui auront reçu l'agrément interpelle.


La téléexpertise qui avait été en échec en 2019, pratiquement absente jusqu'en 2022, se développe aujourd'hui grâce à des solutions numériques agiles qui facilitent sa réalisation (https://telemedaction.org/445927157/449127536). Elle est surtout à l'initiative des établissements de santé qui y voient la possibilité de réguler les venues aux urgences et les hospitalisations dans les services spécialisés en fonction des lits disponibles. S'agissant le plus souvent de patients atteins de maladies chroniques, la téléexpertise avec le médecin spécialiste améliore le parcours de soins de ces patients et évite leur passage aux urgences hospitalières, ainsi que certaines consultations spécialisées trop éloignées, (https://telemedaction.org/432098221/tel-expertise-4). La téléexpertise à l'initiative d'un professionnel de santé vers un professionnel médical se développe. De nombreux IDEL et IPAL se la sont appropriées.


Si la télésurveillance médicale au domicile des patients atteints de maladies chroniques est aujourd'hui limitée à la prise en charge financière par l'AMO de 5 pathologies chroniques sévères et reposent sur l'usage de DMN (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3311071/fr/telesurveillance-medicale-referentiels-des-fonctions-et-organisations-des-soins), elles impliquent toujours une équipe pluridisciplinaire dont des IPA hospitaliers ou libéraux amenés à réaliser des activités de télésoins dans l'accompagnement thérapeutique de ces patients (https://telemedaction.org/445927157/453466513).


Une médecine hybride "du juste soin au bon endroit et au juste coût"

L'adoption de cette médecine hybride par les Pouvoirs Publics permettrait de réaliser plusieurs milliards d'euros d'économies.

L'étude de l'institut économique Molinari a montré que si chaque médecin généraliste réalisait 10% de son activité professionnelle en télémédecine (téléconsultation et téléexpertise), l'AMO pourrait économiser 1 Md d'euros chaque année. Aujourd'hui, avec moins de 1% de leur activité en distanciel, l'économie générée par la médecine générale est insignifiante.

De nombreuses consultations médicales en présentiel sont évitables (https://telemedaction.org/422021881/consultations-pr-sentielles-vitables-2), notamment chez les patients atteints de maladies chroniques. Cela relève des missions des CNP, avec la participation de la HAS (https://specialitesmedicales.org/cnp/les-missions-des-cnp/#:~:text=Pr%C3%A9sentation-,Le%20CNP%20a%20pour%20mission%20de%20repr%C3%A9senter%20une%20sp%C3%A9cialit%C3%A9%20dans,comp%C3%A9tence%20des%20professionnels%20de%20sant%C3%A9.)

L'alternance des soins distanciels et de soins présentiels dans cette catégorie de patients (13 millions en ALD en 2024) sur la base de 6 consultations annuelles de suivi, dont 3 en téléconsultation assistée d'un professionnel de santé correspondrait au minimum à 40 millions de téléconsultations chaque année, soit les 10% préconisées par l'Institut Molinari pour réaliser 1 Md d'économies. Si le taux de 20% était atteint, comme aux Etats-Unis, ce serait 2 Mds, etc.

Une telle possibilité d'économies est démontrée dans plusieurs études de la littérature médicale dont une revue vient d'être publiée, même si certaines ont encore un niveau faible de preuves (Determinants of the Cost-Effectiveness of Telemedicine: Systematic Screening and Quantitative Analysis of the Literature. Bell-Aldeghi R, Gibrat B, Rapp T, Chauvin P, Guern ML, Billaudeau N, Ould-Kaci K, Sevilla-Dedieu C. Telemed J E Health. 2023 Jul;29(7):1078-1087. doi: 10.1089/tmj.2022.0161. Epub 2022 Dec 9.PMID: 36493368.).

C'est probablement la télésurveillance médicale qui générera le plus d'économies en prévenant les venues aux urgences et les hospitalisations. L'AMO l'a estimée à 10 Mds d'euros pour les 5 pathologies chroniques actuellement prises en charge dans le droit commun.

Enfin, on ne peut sosu-estimer le rôle que peut jouer Mon Espace Santé dans les parcours de soins alternant des soins distanciels et des soins présentiels. Elle peut rendre les organisations plus efficientes (https://telemedaction.org/423570493/an-2-de-mes), notamment dans les différents exercices de la télésanté (https://telemedaction.org/423570493/mes-santuaire-de-la-t-l-sant).


16 mars 2024












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