Comment "Mon Espace Santé" va modifier la relation du citoyen avec les professionnels de santé

La communication officielle et dans les médias sur "Mon Espace Santé" (MES) est une réussite. De plus, pour la première fois, Il existe un consensus général des autorités sanitaires, des ordres professionnels, des représentants des usagers et de tous les syndicats représentatifs des professions de santé pour saluer l'avènement de MES. Un tel consensus n'avait pas eu lieu lorsque l'ancien DMP avait été lancé en 2004, puis relancé en 2016. Comme le dit le journal le Quotidien du médecin, une telle mobilisation de tous les acteurs de la santé pour soutenir MES est historique.  https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/une-mobilisation-historique-pour-le-succes-de-mon-espace-sante-43-personnalites-font-corps-derriere 

Depuis l'accès du grand public à internet, chaque citoyen est devenu responsable de nombreux domaines de sa vie privée. Par exemple, la numérisation des banques à partir du début des années 2000, permet à chaque citoyen (sous réserve qu'il a accès à internet) de gérer lui-même ses comptes bancaires en suivant en ligne ses recettes et ses dépenses. MES permet désormais à chaque usager de la santé d'être responsable de ses données personnelles de santé, celles qu'il génère par les soins qu'il reçoit et celles qu'il choisit d'inscrire lui-même dans ce "coffre-fort" dans le but améliorer son bien-être de vie (self-management).

Avec MES, la relation entre le citoyen, usager de la santé, et les professionnels de santé devrait évoluer. L'asymétrie relationnelle qui a marqué la médecine du 20ème siècle va s'équilibrer. L'usager, "acteur de sa propre santé", disposera de données personnelles de santé plus exhaustives que celles du médecin traitant ou de tout autre professionnel de santé.(http://www.telemedaction.org/page:A10B1F87-B9E9-4A95-AC69-3B6C1CBB3886"text-align: justify; padding: 0px 0px 22px; margin-bottom: 0px; color: rgb(0, 0, 0); font-family: Georgia, serif; font-size: 16px; letter-spacing: 0px; line-height: 1.2; font-weight: normal; font-style: normal; text-decoration: none solid rgb(0, 0, 0); text-shadow: none; text-transform: none; direction: ltr;" class="textnormal">D'où le débat qui commence à s'instaurer sur la possibilité qui est donnée à l'usager de sélectionner ou d'effacer certaines de ses données personnelles, au nom du "droit à l'oubli numérique" défendu par les représentants des usagers et reconnu par le RGPD (https://www.berton-associes.fr/blog/droit-de-l-internet/droit-a-oubli-numerique/).

Si le droit à l'oubli numérique, ramené à cinq ans au lieu de dix ans, est une indiscutable avancée pour préserver la vie privée dans la relation du citoyen avec les banques ou les assurances, il peut difficilement s'appliquer aux soins médicaux, en particulier au médecin traitant qui a la responsabilité de coordonner les parcours de soins. Ne pas connaître l'ensemble des données de santé d'un patient peut augmenter les risques d'erreur diagnostique ou thérapeutique. Le droit à l'oubli numérique ne devrait pas être le droit à l'effacement numérique des données de santé.

Il faut saluer la remarquable synthèse réalisée par le CNOM, intitulée "Santé : la révolution numérique", publiée en janvier 2022 pour le lancement de MES. Nous nous en inspirons, ainsi que de l'excellent livre blanc publié en 2018 par le CNOM (Médecins et Patients dans le monde des Datas, des Algorithmes et de l'Intelligence artificielle) avec ses 33 recommandations aux professionnels médicaux et aux patients. (https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/1gwzspz/medecins-e-sante.pdf)(https://www.conseilnational.medecin.fr/sites/default/files/cnomdata_algorithmes_ia_0.pdf)

Nous essaierons dans ce billet d'appréhender ce que pourraient être les nouvelles relations entre les professionnels de santé et le citoyen "usager de la santé" dans ce nouvel environnement numérique marqué par l'avènement de MES. Si les progrès du numérique en santé sont alimentés par la recherche clinique et et le R&D industriel, la performance de la médecine du futur passe aussi par des organisations innovantes, ce qui est le plus difficile à obtenir.

Quelle était la relation médecin-patient au 20ème siècle ?

Sans vouloir remonter à des temps trop lointains, rappelons ce qu'était la relation médecin-patient dans la deuxième moitié du 20ème siècle, avant l'ère d'internet, et comment elle a évolué jusqu'à la fin du siècle.

Une relation fortement asymétrique jusqu'au début des années 90, qui reposait sur la confiance du patient envers le médecin "de famille" qu'il avait choisi. La fameuse expression de Louis Portes, professeur de Clinique obstétricale à Port Royal et ancien président de l'Ordre des médecins, était souvent citée à cette époque : la rencontre d'une confiance et d'une conscience dans un colloque singulier. Le médecin était le "sachant" d'une science médicale imparfaite et le patient faisait totalement confiance dans ce que la Cour de cassation a appelé en 1936 (arrêt Mercier) une relation contractuelle entre le médecin et son patient. A cette époque, le médecin cachait, souvent par empathie, la gravité des maladies et leur pronostic.

Il aura fallu attendre les premières jurisprudences des années 90 pour voir apparaître l'obligation d'informer les patients des bénéfices et des risques d'un acte préventif, diagnostique et thérapeutique, obligation qui figurera pour la première fois dans le code de déontologie médicale de 1995, qui devint alors un code réglementaire validé par le Conseil d'Etat et retranscrit dans le code la santé publique (CSP). Cette obligation réglementaire d'informer tout patient sur les bénéfices et risques d'un acte médical à partir de 1996 (inversion de la charge de la preuve), et de recueillir son consentement préalable, servit de fondement juridique à la définition de la faute "humaniste ou éthique", faute qui permettait au juge civil d'indemniser les victimes d'un accident médical.

Cette période d'asymétrie relationnelle se termina avec la publication des droits des patients dans la loi Kouchner du 4 mars 2002. Après la promulgation de cette loi, l'information due aux patients devenait une obligation légale. 

La relation médecin-patient devint alors plus "symétrique" à partir des années 2000. Avec l'avènement de l'internet "grand public", on vit certains patients venir en consultation avec des documents qu'ils avaient trouvés sur internet. Le médecin devait alors faire preuve d'une pédagogie empathique (et non d'agacement) pour expliquer que les informations trouvées sur le web n'étaient pas toujours fiables, qu'elles ne correspondaient pas toujours à la maladie dont le patient était atteint.

Ces changements dans la relation médecin-patient illustraient l'évolution sociétale, le désir de nombreux citoyens d'être des acteurs de leur propre santé. Cette lame de fond ne fit que s'amplifier au cours des 20 dernières années avec la reconnaissance à partir de 2009 du patient "expert" de sa propre maladie (chronique) à qui fut proposée une formation universitaire.

L'histoire du DMP, lancé en 2004, illustre également ce mouvement sociétal, avec la volonté des représentants des usagers et des patients de faire du "dossier médical partagé", projet initial des autorités sanitaires, un "dossier médical personnel" dont ils avaient l'entière propriété. Cette confusion avec les objectifs initiaux contribua, avec d'autres causes (comme l'opposition des médecins traitants), à l'échec du DMP qui se transforma au fil des années en "dossier médical perdu" selon la formule du président actuel de France-Assos-Santé. (http://www.telemedaction.org/451198481)

Depuis la loi Kouchner, les médecins ont l'obligation légale (et éthique) d'informer les patients des bénéfices et des risques de toute démarche à visée préventive, diagnostique et thérapeutique. Ne pas respecter cette obligation d'information entraine, en cas d'accident médical, la condamnation certaine du médecin pour faute éthique. Elle permet au juge civil d'indemniser la victime d'un accident médical, même si l'accident ne peut être imputé à une faute technique ou s'il relève d'un simple aléas thérapeutique.

Quelles seront les nouvelles relations entre les usagers et les professionnels de santé au 21ème siècle ?

C'est une question qui se pose en 2022 avec l'avènement de MES. La transformation numérique de notre système de santé sert en priorité le citoyen-usager de la santé mais également l'organisation des professionnels, en particulier dans un parcours de soin. Toutes les données personnelles de santé figureront désormais dans le nouveau DMP de MES, ouvert automatiquement dès la naissance si les parents ne s'y opposent pas. A l'âge adulte, tout citoyen a le droit d'ouvrir ou de fermer MES, ainsi que de le rouvrir après l'avoir fermé.

L'hébergement automatique des données de santé dans le DMP concerne toutes les données personnelles d'un citoyen : celles générées par les hospitalisations, par les consultations chez le médecin traitant et le médecin spécialiste, par les actes de soins réalisés par tout professionnel de santé, celles générées par les examens biologiques réalisés dans les laboratoires d'analyses médicales, par les examens radiologiques réalisés dans les cabinets de radiologie, par les dépenses remboursées par l'Assurance maladie obligatoire (AMO), ainsi que par les données personnelles "de vie réelle" que le citoyen aura la possibilité de transcrire lui-même (antécédents personnels, familiaux, actions personnelles de prévention, etc.), celles générées par des applis de télésuivi ou d'éducation à la santé qui seront labellisées par l'Etat pour figurer dans le store de MES. Pour être financées par l'Assurance maladie, toutes les applis du store devront fournir des données personnelles de santé sécurisées qui seront hébergées dans le DMP de MES.(http://www.telemedaction.org/451406448)

Pour parvenir à un tel objectif d'interopérabilité de tous les logiciels avec MES, l'Etat finance, grâce au Ségur de la santé (2 milliards d'euros), la mise à niveau, par les éditeurs eux-mêmes, des logiciels métiers de tous les professionnels de santé. (http://www.telemedaction.org/450202746

Bien évidemment, la relation traditionnelle en face à face continuera d'exister, mais elle ne sera plus la seule. MES apporte aux professionnels de santé des moyens nouveaux qui viennent compléter la relation usuelle en présentiel et qui surtout favorisent une organisation professionnelle innovante.

Quelles nouvelles relations caractérisent ces organisations professionnelles innovantes ?

L'usage d'une messagerie sécurisée santé (MSS) par tous les citoyens est une innovation majeure. Comme tout citoyen peut correspondre avec son banquier par une messagerie sécurisée incluse dans son compte bancaire numérique, l'usager de la santé aura dans son compte MES une MSS qui lui permettra de correspondre avec tous les professionnels de santé, médecin traitant, mais aussi tout autre professionnel de santé qui lui procure des soins.

Il s'agit d'échanges asynchrones, c'est à dire que le professionnel de santé peut répondre en différé à une demande de l'usager, comme il a l'habitude de répondre à un mail privé. Il faudra simplement qu'un compte dédié à MSS soit bien identifié dans le logiciel métier du professionnel de santé.

Par exemple, l'interprétation des examens complémentaires réalisés au décours d'une consultation présentielle devait jusqu'à présent attendre la consultation suivante ou parfois un appel téléphonique bienveillant du médecin traitant. Le patient pourra autoriser son médecin traitant à accéder à son MES pour consulter les résultats d'examens. Le patient sera automatiquement informé que son médecin ou tout autre professionnel s'est rendu dans son MES pour y consulter les résultats d'examens. 

Le médecin donnera ensuite par MSS son avis sur ces examens. Il pourra prendre la décision de revoir le patient consultation présentielle ou par téléconsultation, en fixant lui-même le rendez-vous. Ce dialogue médecin-patient par MSS devra bien évidemment être tracé dans le DMP, car il a une valeur médico-légal. Il peut être utile en cas de survenue d'un accident médical qui serait imputé à ces nouvelles relations. Jusqu'à présent, l'échange par téléphone du médecin avec le patient était rarement tracé dans le dossier médical. L'avenant 9 de la Convention médicale demande aux représentants des médecins libéraux de faire des propositions tarifaires pour que ce nouveau mode relationnel par MSS soit rémunéré par l'AMO.

MSS servira également au dialogue entre les usagers et les autres professionnels de santé non médicaux impliqués dans les parcours de soins. Cet outil sera à n'en pas douter très utile aux pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, etc., en complément des pratiques de télésoin (voir plus loin), lorsqu'ils réalisent des soins réguliers. Les motifs d'échanges par MSS sont multiples et souvent spécifiques aux métiers.  

L'usage de la téléconsultation (TLC) sera simplifié avec MES. Avec la révision des logiciels métiers financée par le Ségur de la santé, les professionnels de santé pourront désormais avoir accès au MES de leurs patients, s'ils en reçoivent bien évidemment l'autorisation. Les meilleurs logiciels Saas dédiés à la TLC figureront dans le store de MES. Pour retrouver l'agilité et la fiabilité d'un WhatsApp des GAFAM, une conception répondant aux attentes des professionnels de santé et des patients, ainsi qu'au RGPD, doit être visée par nos ingénieurs en santé numérique. Il faut tirer les leçons de la pandémie. En mars 2020, sur les 144 solutions de TLC répertoriées par les autorités sanitaires sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé, seules 5 (3,5%) pouvaient prétendre rivaliser le WhatsApp des GAFAM en termes d'agilité et d'ergonomie. (http://www.telemedaction.org/445424795)

Alors que la pandémie est en train de s'éteindre progressivement, le nombre de TLC reste stable depuis plusieurs mois autour de 3 à 4% de l'ensemble de l'ensemble des consultations médicales, soit de 800 000 à 1 million chaque mois. C'est 100 fois plus qu'avant la pandémie. Il y a des différences d'intérêt pour la TLC selon les spécialités médicales. Si les médecins généralistes ont réalisé au cours des 6 derniers mois 3% de leurs consultations en téléconsultation (soit 97% en consultations présentielles), que la plupart des spécialités médicales sont à 1% ou moins de consultations sous forme de téléconsultations, les psychiatres restent à un taux d'usage élevé.

Il faut reconnaître que la spécialité de psychiatrie est devenue leader de la téléconsultation au cours des 6 derniers mois avec 12% de leurs consultations spécialisées remboursées par l'AMO. Cela mérite d'être souligné car les psychiatres de la période "lacanienne" (du nom du Pr Jacques Lacan, psychanalyste disparu en 1981, qui forma toute une génération de psychiatres français au 20ème siècle), refusaient la téléconsultation.

La nouvelle génération de psychiatres du 21ème siècle pense que la téléconsultation, alternée avec des consultations présentielles, est un mode de relation médecin-patient tout à fait adapté à certaines pathologies mentales et à certaines situations sociales, en particulier dans les prisons et les Ehpad. Nul doute que MES confortera cette pratique de la téléconsultation psychiatrique qui, rappelons-le, fut parmi les premières applications de la télémédecine aux Etats-Unis dans les années 70.

En janvier 2022, environ 15 à 20% des 91 000 médecins généralistes pratiquaient régulièrement des TLC programmées, intégrées dans leur planning de rendez-vous. Grâce à MES ils peuvent réaliser une TLC tout en consultant le DMP de l'usager qui compléte leur DPI. Le compte rendu de cette TLC ira directement dans le DMP et l'usager pourra en avoir connaissance dès la fin de la TLC.

Il faut espérer que l'excellent ouvrage du Collège de médecine générale (CMG), décrivant les 50 cas d'usages les plus courants de la TLC en médecine générale, finira par convaincre les plus sceptiques que cette relation nouvelle avec un patient n'est pas une forme dégradée de la médecine. Il faut simplement que les cas d'usage soient pertinents pour le médecin et le patient, ce que le CMG a parfaitement décrit dans cet ouvrage. (http://www.telemedaction.org/451751711)

L'usage du télésoin par les pharmaciens et les 17 professions d'auxiliaire médical sera simplifié par MES. Le télésoin correspond à une relation nouvelle avec les patients, mise en place pendant la pandémie à la covid-19. Elle complète bien évidemment la relation humaine au cours des soins en présentiel. Elle apporte une autre façon de réaliser un soin.

L'article L6316-2 en donne une définition claire : une forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Il met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux dans l'exercice de leurs compétences prévues au présent code.

Ses conditions de mise en oeuvre ont été précisées dans le décret du 3 juin 2021 : le télésoin peut être pratiqué "à l'exclusion des bilans initiaux et des renouvellements de bilan, " la pertinence du recours au télésoin est déterminée par le professionnel de santé" , "Il est conditionné à la réalisation préalable, en présence du patient, d'un premier soin", "pour les mineurs de moins de 18 ans, la présence d'un des parents majeurs ou d'un majeur autorisé est nécessaire", et pour les patients présentant une perte d'autonomie, la présence d'un aidant est requise". (http://www.telemedaction.org/449707641)

La Haute autorité de santé (HAS), sollicitée en 2020 par le ministre des Solidarités et de la Santé, a précisé que tout patient, a priori, peut relever d'un télésoin, à l'exclusion des soins qui nécessitent un contact direct avec le patient ou les soins qui nécessitent un équipement spécifique, non disponible auprès du patient. 

La HAS précise également ; "comme tout acte de soin, le télésoin nécessite préalablement une information loyale, claire et appropriée, faite par le professionnel de santé sur les bénéfices, mais aussi les risques de cette pratique. Bien informé, le patient donne ou non son consentement à cette nouvelle pratique. Le professionnel de santé doit tracer dans le dossier de soin la date où il a réalisé l'information et celle où il a reçu le consentement" et plus loin, "la pertinence du télésoin est de la responsabilité du professionnel de santé ".

Dans l'évaluation de la pertinence d'un télésoin, le professionnel de santé prend en compte la situation clinique du patient et ses capacités à échanger par videotransmission. Comme le rappelle la HAS, "cette pertinence sera d'autant mieux appréciée que la relation entre le patient et le professionnel de santé est déjà bien établie".

On voit bien que cette relation "inédite" par l'intermédiaire du télésoin nécessite pour le professionnel de santé une formation qui lui permette d'exprimer de façon claire et appropriée les bénéfices et les risques d'un télésoin lors d'une première rencontre en présentiel. L'usage de la plateforme MES facilite ce dialogue avec le patient, grâce à l'usage de MSS et l'accès à la solution de videotransmission qui figurera dans le store de MES.  

L'usage du télésuivi des patients à domicile créera une relation inédite avec les professionnels de santé.

Le financement de la télésurveillance médicale dans le droit commun de la Sécurité sociale à compter d'août 2022 (LFSS 2022) est une décision forte des pouvoirs publics pour prévenir l'aggravation des maladies chroniques qui touchent environ 15 à 18 millions de Français. C'est une stratégie sanitaire touchant à la fois la prévention primaire, secondaire et tertiaire, dont le but est de prévenir l'apparition des maladies chroniques en agissant sur les facteurs de risque (tabac, alcool, hypertension, obésité, etc.), d'éviter l'aggravation de ces maladies lorsqu'elles sont apparues (diabète, pathologies cardiovasculaires, maladies rénales chroniques, pathologies respiratoires chroniques, cancers, maladies neurologiques dégénératives, etc.), de réduire les hospitalisations évitables (20% des séjours hospitaliers en 2019) lorsque ces maladies chroniques, en particulier celles liées au vieillissement, ne sont plus stabilisées.(http://www.telemedaction.org/450542418)

L'organisation du télésuivi à domicile est essentielle. Qui en aura l'initiative et la responsabilité ? Les fournisseurs de services d'e-santé se voient bien jouer ce rôle. Mais est-ce vraiment leur mission de délivrer des soins et d'être ainsi considérés à moyen terme comme des établissements de santé ? Selon l'article L.6111-1 du CSP, un établissement de santé est une structure publique ou privée qui assure le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et femmes enceintes et mène également des actions de prévention et d'éducation à la santé. Confier le télésuivi des patients à domicile à des fournisseurs de services commerciaux d'e-santé ferait apparaître indéniablement des conflits d'intérêts.

L'auteur de ce billet (néphrologue) a connu un précédent au 20ème siècle : la transformation des structures fournissant des services pour la dialyse à domicile en établissements de santé à but non lucratif à la fin des années 90. Ces structures, depuis la loi HPST de 2009, sont devenues des ESPIC (établissement de santé privé d'intérêt collectif). L'avantage de ces établissements privés non lucratifs est de ne pas avoir à rémunérer d'actionnaires et de pouvoir réinvestir les bénéfices au profit des usagers et des conditions de travail des personnels soignants. Ce modèle juridique très souple séduit certains managers des hôpitaux publics qui verraient bien une évolution du statut actuel de leurs établissements, plus "étatisés" que jamais depuis la loi HPST, vers celui des ESPIC, tout en conservant la mission de service public.(https://lesgeneralistes-csmf.fr/2020/07/08/privatiser-lhopital-public-et-si-cetait-la-solution/)

Dans un précédent billet (http://www.telemedaction.org/450445207) nous avons développé des arguments en faveur d'organisations de télésuivi à l'initiative des établissements de santé publics ou privés, comme l'a expérimenté le programme ETAPES, ou à l'initiative des médecins traitants qui n'ont pas été inclus dans le programme expérimental. L'expérimentation ETAPES distinguait la rémunération des fournisseurs de services d'e-santé de celles des professionnels de santé médicaux (le prescripteur spécialiste) et des professionnels de santé qui assuraient l'accompagnement thérapeutique, comme des IPA ou des IDE formés à l'éducation thérapeutique. Au 21ème siècle, les usagers de la santé font partie des instances de décision, tant au niveau des établissements que des instances nationales de gouvernance sanitaire. Il leur reviendra de faire un choix éclairé sur les solutions organisationnelles du télésuivi qui leur seront proposées.

Quel que soit l'organisation mise en place, la relation des professionnels de santé avec les patients sera particulièrement sensible, car encore inédite. Il nous semble que la plateforme MES, avec toutes ses fonctionnalités, peut répondre aux attentes des patients : le libre choix de la solution numérique de télésuivi qui figurera dans le store, la facilité à communiquer à distance avec les professionnels de santé médicaux et non médicaux grâce à MSS, à la téléconsultation et au télésoin pogrammés, la sécurité des données personnelles de télésuivi transmises au professionnel de santé, dont certaines relèveront du "parcours de vie privée", Cette confidentialité est garantie par l'Etat.

En résumé, MES est un nouvel outil de communication entre les usagers de la santé et les professionnels de santé. Ses différentes fonctionnalités répondent aux attentes sociétales du 21ème siècle. Il faut désormais que chaque citoyen se l'approprie pour juger du service rendu apporté par ces relations nouvelles avec les professionnels de santé qui interviennent dans son parcours de soins et de santé. La télésanté est bien une pratique innovante qui vient compléter les relations traditionnelles en présentiel. 

16 février 2022 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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