Qu'est-ce qu'une pratique pertinente de la télésanté ?

Les données du Health Data Hub sur la téléconsultation en 2021 seront pris en compte dans la prochaine convention médicale. (https://www.telemedaction.org/453185455). Il est important de rappeler le cadre juridique français des pratiques de télésanté.  

Simple recommandation de la Haute autorité de santé (HAS) en mai 2019 (pour la téléconsultation et la téléexpertise) et en mars 2021 (pour le télésoin), la pertinence d'un acte de télémédecine et d'une activité de télésoin est devenue par le décret du 3 juin 2021 une obligation réglementaire pour tous les professionnels de santé (https://www.telemedaction.org/449707641). L'article R6316-2 du code de la santé publique (CSP) précise désormais que la pertinence du recours à la télémédecine ou au télésoin est appréciée par le professionnel médical, le pharmacien ou l’auxiliaire médical.

La HAS donne une définition simple ; la pertinence d'un acte médical ou d'une activité de soin, c’est donner la bonne intervention de santé, au bon moment, au bon endroit, pour le bon patient. (https://www.has-sante.fr/jcms/pprd_2974225/fr/pertinence-des-soins-les-professionnels-en-action)  

Qu'en est-il pour les différentes pratiques de télésanté : téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance médicale, télésoin ?

Quelle est la pertinence d'un acte de téléconsultation ?

Le professionnel médical qui va réaliser une téléconsultation doit juger de la pertinence de cet acte au regard de la situation clinique du patient, de la disponibilité des données du patient, de la capacité du patient à communiquer à distance et à utiliser les outils numériques.

La situation clinique peut nécessiter un examen physique. Cette situation peut se révéler d’emblée ou en cours de téléconsultation, laquelle doit alors s’arrêter et être remplacée par une consultation en présentiel que le professionnel médical téléconsultant a le devoir d’organiser, soit avec lui-même, soit avec un autre professionnel médical.

Une téléconsultation pertinente s’inscrit en priorité dans le parcours de santé du patient coordonné par le médecin traitant. Toutefois, lorsque le médecin traitant n’est pas disponible dans un délai compatible avec l’état de santé du patient, celui-ci peut solliciter une téléconsultation en dehors du parcours de santé. Le professionnel médical téléconsultant devra faire un compte-rendu de l’acte qu’il adressera au médecin traitant par messagerie sécurisée santé (MSS) ou qu’il versera dans le DMP du patient situé désormais sur la plateforme d'Etat dans l'espace numérique de santé (MES) afin que le médecin traitant puisse le consulter avec l'autorisation du patient.

Le DMP contient les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge, ainsi que des données personnelles de vie de l'usager (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038498937/2020-05), éléments que tout professionnel de santé libéral et salarié d’un établissement de santé doit verser dans le DMP de MES d’ici le 31 décembre 2023. (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045726627)

Une téléconsultation ne peut être pertinente si le professionnel médical n’a pas accès aux données de santé nécessaires à la réalisation d’un acte de qualité, conforme aux données acquises de la science. Les données de santé et les informations administratives nécessaires à la réalisation de l'acte doivent être accessibles au professionnel médical. L'utilisation du volet de synthèse médicale est recommandée pour structurer les données de santé du patient lors d'une pratique de téléconsultation (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2013-11/asip_sante_has_synthese_medicale.pdf). Les informations enregistrées dans le DMP ou dans le dossier pharmaceutique (DP) peuvent également être utiles.

La capacité du patient à bénéficier d’une téléconsultation doit être prise en compte : l'état cognitif, l'état psychique, l'état physique (vue, audition, etc.), les barrières liées à la langue, les barrières liées à l’utilisation des technologies. L'illectronisme est fréquent chez la personne âgée ((https://www.telemedaction.org/450497110). Certaines de ces barrières peuvent être levées par la présence auprès du patient d’un professionnel de santé, voire de la personne de confiance, d’une personne de son entourage ou d’un interprète. Il s'agit alors de téléconsultation programmée et assistée. 

Le professionnel de santé accompagnant assiste le professionnel médical dans la réalisation de certains éléments de l'examen clinique virtuel (usage d'objets connectés, comme un stéthoscope, un tensiomètre, un spiromètre, un glucomètre, etc.)  et/ou d'un geste technique dans la limite de ses compétences. La personne présente s’engage à respecter le secret professionnel. On rappelle que la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 (https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000029589477/), a manifesté la volonté de développer la coopération pluriprofessionnelle dans les parcours de santé et a élargi le secret médical à tous les professionnels appartenant à la même équipe de soins, désormais appelé « secret professionnel ».(https://www.telemedaction.org/452953499)

Quelques exemples de téléconsultations non pertinentes : une téléconsultation par un médecin non-traitant qui ne connait pas le patient et qui ne demande pas l'accès aux données de santé nécessaires à la réalisation d'un acte de qualité, une téléconsultation nécessitant un examen physique mais qui est poursuivie et dont le patient n'est pas orienté en fin d'acte vers une consultation en présentiel organisée par le professionnel téléconsultant, une téléconsultation qui n'est pas suivie d'un compte-rendu adressé au médecin traitant ou versé dans le DMP pour assurer la continuité des soins, une téléconsultation qui justifierait un examen physique pour établir un arrêt de travail, une téléconsultation par un médecin qui ne connait pas le patient et qui renouvelle une ordonnance sans avoir accès aux données de santé du patient pour connaître les antécédents et les précédentes consultations avec le médecin traitant, etc. 

Quelle est la pertinence d'un acte de téléexpertise ?

La téléexpertise illustre l’évolution croissante de l’exercice collectif de la médecine sous la forme d’un staff pluridisciplinaire. Lorsque plusieurs professionnels médicaux collaborent à l’examen ou au traitement d’un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés. Chacun des professionnels médicaux assume ses responsabilités personnelles et veille à l’information du maladeChacun des professionnels médicaux peut librement refuser de prêter son concours, ou le retirer, à condition de ne pas nuire au malade et d'en avertir ses confrères. ( https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006912933)

La téléexpertise permet également au professionnel médical de remplir son obligation déontologique de faire appel à un tiers compétent lorsqu’il estime ne pas pouvoir assurer des soins fondés sur les données acquises de la science. (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006912894)

Le professionnel médical requis pour la téléexpertise (généralement un spécialiste requis) juge de la pertinence de la demande du professionnel de santé requérant (médical, pharmacien ou auxiliaire médical), puis de la complétude et de la qualité des informations et des données transmises par le requérant. Il prend alors la décision de réaliser ou non l’acte de téléexpertise. Si la téléexpertise n’est pas réalisable, cette information est tracée dans le dossier professionnel et dans le DMP. Le professionnel de santé requérant propose au patient une prise en charge adaptée. Il informe également le médecin traitant, le cas échéant.

Quelques exemples de téléexpertises non pertinentes : une téléexpertise donnée au professionnel requérant alors que les informations nécessaires ne sont pas complètes, une téléexpertise sans compte-rendu dans le dossier professionnel ou dans le DMP de l'avis donné oralement par téléphone, une téléexpertise demandée à un médecins spécialiste, en remplacement d'une consultation en présentiel, sans que le patient ait été informé préalablement et ait donné son consentement, une téléexpertise dont les échanges se font par une messagerie non sécurisée, etc.   

Quelle est la pertinence de la télésurveillance médicale ?

La télésurveillance médicale assure le recueil des données de santé depuis le lieu de vie. Le recueil de ces données est assuré par un dispositif médical numérique (DMN), lequel transfère à la plateforme de télésurveillance les alertes préalablement établies pour un dépistage précoce de complications de la maladie chronique, avant que l’état clinique nécessite une hospitalisation. Financée dans le droit commun de la Sécurité sociale dans la LFSS 2022, la mise en oeuvre sera effective à compter du 1er janvier 2023.

C’est la HAS, avec l'avis des sociétés savantes concernées, qui a précisé la pertinence de cette pratique de télémédecine en publiant les référentiels dont le remboursement est pour l’instant limité aux patients atteints de l’une des 5 maladies chroniques retenues dans le programme expérimental ETAPES.(https://www.telemedaction.org/432585384

La télésurveillance médicale peut s’appliquer à d’autres maladies chroniques qui ne font pas encore l’objet d’une prise en charge par l’Assurance maladie. Les applis numériques qui peuvent être utilisées par le patient, sur avis du professionnel médical, sont référencées au préalable par les pouvoirs publics afin de figurer dans le magasin de mon espace sante (MES). (https://www.telemedaction.org/451406448) (https://www.telemedaction.org/450202746)

Les applis qui transmettent des indicateurs de surveillance sont soumises à une exigence de conformité et de sécurité vis à vis des données de santé. (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021964486/) En cas de dysfonctionnement, une déclaration d’incident doit être faite par le professionnel médical. Le professionnel médical prescripteur de la solution numérique a l’obligation d’utiliser un matériel fiable et certifié. Le référencement dans le magasin de MES lui en apporte la garantie. L’auxiliaire médical (IPA) impliqué dans la télésurveillance médicale est responsable, pour sa part, des tâches accomplies dans le cadre de la délégation opérée par le professionnel médical.

Le recueil des indicateurs de la télésurveillance médicale peut être fait par le patient lui-même qui doit alors être informé des risques d’erreurs éventuelles et de l’alternative possible de confier ce recueil à un professionnel de santé compétent. Lorsque le patient n’est pas en mesure de le faire lui-même, le recueil de ou des indicateur(s) est délégué à un professionnel de santé compétent qui engage sa responsabilité dans l’exécution de sa mission.

L’interprétation de l’indicateur est faite exclusivement par le professionnel médical. C’est un acte intellectuel qui engage la responsabilité de ce dernier et peut entrainer une prescription thérapeutique en cas de nécessité de corriger l’indicateur. S’agissant d’indicateurs traités par un algorithme, le professionnel médical a l’obligation de contrôler et de valider le résultat de l’algorithme.

En effet, la loi bioéthique, modifiée le 2 août 2021, précise à l’article 17 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384/) que le professionnel médical qui décide d’utiliser un DMN comportant un système d’apprentissage automatique doit assurer la maîtrise du choix de recourir ou non à cette solution.

Les professionnels médicaux, les pharmaciens et les auxiliaires médicaux concernés sont informés du recours à ce traitement algorithmique de données. Les données de santé du patient, utilisées dans ce traitement et les résultats qui en sont issus, leur sont accessibles. Enfin,  le concepteur d’un traitement algorithmique de données de santé s’assure de l’explicabilité de son fonctionnement pour les utilisateurs.(https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043890272)

Quelques exemples d'actes de télésurveillance médicale non pertinents : une télésurveillance médicale organisée sans la preuve que les informations sur les bénéfices et les risques ont été données au patient et sans qu'il ait donné son consentement, une télésurveillance médicale utilisant une appli numérique qui n'a pas la garantie de sécurité vis à vis des données de santé qu'ont les applis référencées dans le magasin de MES, une télésurveillance médicale dont le les résultats du traitement algorithmique des indicateurs ne sont pas interprétés par un professionnel médical, une télésurveillance médicale, remboursée par l'Assurance maladie, qui ne respecte pas le référentiel établi par la HAS, etc. 

Quelle est la pertinence d'une activité de télésoin ?

Le télésoin est une forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication, en particulier la videotransmission. Il est défini dans la loi OTSS ( relative à l'organisation et à la transformation du système de santé) promulguée le 24 juillet 2019.

Le télésoin met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux dans l'exercice de leurs compétences prévues au CSP. Le télésoin a été créé pour faciliter l’accès aux soins, développer la coordination des professionnels de santé et favoriser la transformation numérique du système de santé.

Selon la HAS, toute situation de soin est éligible au télésoin, à l’exception des soins nécessitant un contact direct en présentiel avec le patient et un équipement spécifique non disponible auprès du patient.

Le télésoin est d'autant plus pertinent que la relation patient-professionnel est bien établie. Néanmoins un premier soin à distance peut être pertinent dans certaines situations et pour certaines professions, car il facilite l’accès au soin. Le professionnel peut alterner soin en présentiel et télésoin, s’il l’estime nécessaire.

Mais tout patient n'est pas éligible au télésoin. Le professionnel de santé évalue si le télésoin est pertinent pour le patient, il vérifie en amont si les critères d'éligibilité au télésoin sont présents. Le professionnel doit s’assurer de la possibilité de réaliser un soin à distance en fonction de la situation clinique du patient, de sa capacité à communiquer à distance et à utiliser les outils technologiques, de facteurs physiques, psychologiques, socio-professionnels, familiaux, de la nature du soin.

Lorsque le patient est éligible, le télésoin s'exerce dans le respect des lois et règlements applicables (règles d’exercice de chaque profession, déontologie, recommandations de bonnes pratiques, confidentialité des données médicales échangées au sein de l’équipe de soins). Le télésoin s’inscrit dans le parcours de soins du patient coordonné par le médecin traitant.

Lorsque le patient n'est pas éligible, le professionnel de santé propose au patient une prise en charge alternative, adaptée à sa situation (ex : rendez-vous en présentiel, nécessité de consulter un autre professionnel …). 

Quelques exemples d'activités de télésoin non pertinentes  : un télésoin dont le patient n'a pas été préalablement informé des bénéfices et des risques pour donner un consentement éclairé, un télésoin chez un patient qui ne remplit pas les critères d'éligibilité précisés par la HAS,  un télésoin utilisé abusivement pour éviter certains soins en présentiel, un télésoin auquel le patient n'adhère plus et qui est poursuivi, etc. 

23 septembre 2022 

 

Derniers commentaires

01.12 | 12:57

Merci, très intéressant cet article qui me permet de donner un exemple pour illustrer un cours!

16.11 | 16:08

Merci du commentaire

16.11 | 16:07

Merci de votre commentaire

16.11 | 04:04

Très intéressant en effet, merci.

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